Chroniques

par hervé kœnig

Luigi Dallapiccola
Sonatina canonica su capricci di Paganini – Tre episodi dal balletto Marsia – Quaderno musicale di Annalibera – Inni – Due studi – Tartiniana seconda

1 CD Naxos (2005)
8.557676
Luigi Dallapiccola | œuvres pour violon et piano

Trente ans après sa disparition, il semble que Luigi Dallapiccola (né en 1904), de même que son œuvre, fasse l'objet d'un vague respect plus que d'une connaissance réelle. Son catalogue, relativement modeste avec sa petite cinquantaine d'opus, est souvent résumé aux pièces les plus célèbres, les plus engagées, comme Canti di prigionia (1941). À l'image d'Ulisse (1968) [lire notre critique du CD], sa musique contemplative tend à s'approcher de la philosophie. Si ses contributions instrumentales semblent moins ambitieuses, elles sont un éclairage indispensable au projet tout entier du compositeur, dominé par la musique vocale. C'est l'intégrale des pièces pour piano seul ou avec accompagnement au violon que nous retrouvons avec cet enregistrement.

De l'âge de dix-neuf ans jusqu'à la Partita de 1932, Dallapiccola n'a rien composé de vraiment substantiel. Puis, en 1935, il publie Inni, sous-titré Musica per tre pianoforti – ici, la technologie permet évidemment au pianiste de jouer les différentes voix. La pièce est intéressante par sa proximité avec Ravel dans sa quête d'un baroque stylisé, avant de se poursuivre dans une emphase funèbre. Voilà pour ce qui est de l'idée ; quant au geste, il s'apparente plus aux travaux pour plusieurs pianos de Darius Milhaud. Mis à part son mouvement central, pouvant évoquer Jolivet, Inni n'est guère représentatif du style de Dallapiccola. Il faut attendre ensuite 1942-43 pour que le compositeur s'attèle à une partition pour piano solo : Sonatina canonica su capricci di Paganini. Là encore, on retrouve un hommage à l'ère baroque, aux premiers classiques italiens, aux techniques contrapuntique de la Renaissance. Roberto Prosseda livre ici une interprétation d'une tendresse poétique et touchante.

Bientôt, La Fenice de Venise commande à Dallapiccola une partition de ballet, sur un argument d'Aurel Miloss. Comme plus tard avec Ulisse, nous sommes dans une Antiquité légendaire ; le satyre Marsia défie Apollon à la flûte, mais se verra écorché vif par le dieu. Le succès du ballet, en septembre 1948, incite l'auteur à réaliser un arrangement pour le concert. Suivront donc Frammenti sinfonici et, l'année suivante, Tre episodi dal balletto Marsia. Dans le premier épisode, on ne s'étonnera pas de trouver une ambiance impressionniste, sur les traces de Debussy, mais déjà dans un climat proche des Préludes de Messiaen, tandis qu'on pense au jeune Prokofiev dans le second, dynamique et brillant ; le troisième mouvement regarde Ravel tout en se laissant happer par ce qui ferait l'opus à venir. On admirera la cohérence de l'approche de Prosseda, révélant dans cet enregistrement un art de la nuance d'un grand raffinement.

De 1944 à 1948, la lente composition d’Il prigioniero, premier opéra de Dallapiccola, laisse place à de petits travaux parallèles, comme ces Due studi, pour violon et piano –terminé en 1947 et à l'origine des Due pezzi pour orchestre. Duccio Ceccanti y suggère des charmes symbolistes français auxquels se mêleraient des méandres viennois fin de siècle, assez évidents dans la Sarabande. Autre pièce qui sera orchestrée, Quaderno musicale di Annalibera, dédiée à sa fille à l'occasion de son huitième anniversaire. Dans le premier de ces onze fragments, parmi des éléments sériels et tonaux entremêlés, on repère un hommage direct à Bach, selon le codage bien connu. C'est sans radicalisme que le pianiste aborde ce Cahier, portant loin sa lecture sans recourir à des contrastes disgracieux.

Enfin, Tartiniana seconda, pour violon et piano, nous ramène à la passion de Dallapiccola pour la musique baroque italienne, la technique du contre-point de Giuseppe Tartini en particulier. Achevée en 1956, cette partition découle d'une Sonate pour violon de 1951, jamais publiée. Accompagnée d'un brefIntermezzo, cette pièce sera elle aussi orchestrée plus tard. Duccio Ceccanti et Roberto Prosseda nous offrent sur ce disque une interprétation d'une appréciable élégance.

HK