Chroniques

par laurent bergnach

Luigi Cherubini
Lodoïska

1 livre-disque 2 CD Ambroisie (2013)
AM 209
Luigi Cherubini | Lodoïska

Natif de Florence à l’instar de Giovanni Battista Lulli, Maria Luigi Carlo Zenobio Salvatore Cherubini dit Luigi Cherubini (1760-1842) finit comme lui par s’établir en France la plus grande partie de sa vie (de 1786 à sa mort) et, fort d’un bagage technique remarquable doublé d’une exigence artistique élevée (père claveciniste, enseignement de Giuseppe Sarti), par y occuper des postes importants – codirecteur du Théâtre de Monsieur, inspecteur de l'enseignement au tout nouveau Conservatoire, surintendant de la Chapelle de Louis XVIII, etc. Nombre de musiciens ont d’ailleurs salué l’auteur de Médée [lire notre critique du DVD] : Auber, Brahms, Halévy, Mendelssohn, Weber et surtout Schumann qui souligne « l’intelligence de ses compositions », Wagner qui loue « le plus grand architecte de la musique » et un Beethoven cinquantenaire qui, des années après la création de Deux journées ou Le porteur d’eau (1800) puis celle de Franiska (1806) auquel il assiste enthousiaste avec Haydn, s’enflamme jusqu’à lui écrire « je vous honore et je vous aime » (1823).

Conçue quelques mois avant l’inachevé Koukourgi [lire notre critique du DVD] et l’éloignement d’un Paris devenu dangereux – songeons à l’opéra Thérèse de Massenet, qui se clôt avec une foule orageuse au pied de l’échafaud, en juin 1793 [lire notre critique du CD] –, Lodoïska est une comédie héroïque, premier des opéras-comiques d’une longue série pensée pour affermir cette tradition française, vingt ans durant et sans facilité, jusqu’à son ultime livraison du genre (Le crescendo, 1810). Pour cette histoire où le comte Floreski combat des Tartares dont il se fait des alliés, puis le cruel Dourlinski qui retient la belle Lodoïska dans un sinistre château polonais, le librettiste Claude-François Fillette-Loraux s’inspire des Amours du Chevalier de Faublas, un cycle romanesque de son contemporain Jean-Baptiste Louvet de Couvray. L’ouvrage voit le jour au Théâtre Feydeau, le 18 juillet 1791 ; il compte bientôt plus de deux cents représentations parisiennes avant de conquérir Berlin (1797), Vienne (1802) et Munich (1813). Devenu populaire, son sujet inspirerait d’autres musiciens, tel Mayr [lire notre critique du CD].

Enregistrée à La Fenice puis à l’Auditorium Parco della Musica (Rome) il y a trois ans, cette version de concert entrait dans le cadre d’un festival Cherubini présenté à Venise par le Centre de musique romantique française (Palazzetto Bru Zane) [lire notre chronique du 16 octobre 2010]. Elle réunit une partie de la distribution présente pour Amadis de Gaule du « Bach de Londres » [lire notre critique du CD] : l’expressive Hjördis Thébault (Lysinka), le vaillant Pierre-Yves Pruvost (Dourlinski) et Philippe Do (Titzikan) qui continue de décevoir, malgré un timbre très clair, par son chant nasalisé et souvent tendu. Avec ses aigus aigrelets, Sébastien Guèze (Floreski) est le second ténor à chagriner l’oreille. Armando Noguera (Varbel, parangon des valets affamés, râleurs mais astucieux) et Alain Buet (Altamoras) assument leur rôle avec fiabilité, de même que Nathalie Manfrino (Lodoïska), au soprano évident et à la diction soignée. Les courtes interventions des Émissaires sont confiées à Pierre Virly, Antonio Guirao-Valverde et Cyrille Gautreau, et les interventions chorales à l’ensemble Les Éléments, efficace. Enfin, signalons la baguette alerte et nuancée de Jérémie Rhorer à la tête du Cercle de l’Harmonie.

LB