Chroniques

par pierre-jean tribot

Günter Wand et le NDR Sinfonieorchester
Anton Bruckner | Symphonie n°8

1 DVD TDK (2006)
DV-COWAND3
en 2000, au festival du Schleswig-Holstein

Le label TDK poursuit une importante mais salutaire entreprise d'édition DVD en hommage à l'immense Günter Wand, filmé lors de ses nombreuses apparitions au festival du Schleswig-Holstein. De 1987 à 2001, à l'exception d'une année pour cause de maladie, le chef fut un fidèle de la manifestation du Nord de l'Allemagne. En 2000, deux ans avant son décès, le musicien dirigeait une interprétation de la Symphonie n°8 d'Anton Bruckner au pupitre du Norddeutscher Rundfunk Sinfonieorchester dont il était alors chef émérite.

La Huitième du maître de Saint Florian, composée entre 1884 et 1887, connut, à l'image de nombreuses symphonies du compositeur, de nombreuses vicissitudes. La première version fut refusée par Hermann Levi qui devait en assurer la création. Ce chef, créateur de la Symphonie n°7, souhaitait une simplification d'un langage qu'il estimait trop complexe. Au lieu de fluidifier sa partition, Bruckner en composa une nouvelle version encore plus touffue orchestralement et instrumentalement. De peur de décourager le public, certains proches de Bruckner se permirent de maltraiter sa pièce. La symphonie, grandement remaniée, fut donnée en première audition mondiale en 1892 par Hans Richter à la tête de la Philharmonie de Vienne. En 1939, le musicologue Robert Haas publia enfin la version originale de la partition, texte initial auquel Günter Wand fut fidèle lors de ses enregistrements.

Multirécidiviste de la partition, le vieux maestro livre ici une prestation d'anthologie. Certes, l'orchestre n'est pas toujours parfait, mais la phalange hambourgeoise joue avec un vécu et un engagement hors du commun. Dans des tempi plutôt lents, Wand tisse une interprétation parfaite d'équilibre et de progression. Toutes les nuances, tous les accords apparaissent dosés, élaborés au millimètre. Ce concert légendaire culmine dans un mouvement lent suspendu avec une grâce infinie. Les autres parties ne sont pas en reste, avec un premier et un dernier mouvement à couper le souffle par l'étoffe et la rigueur de leurs constructions.

À l'inverse du précédent volume consacré à la Symphonie n°5 [lire notre critique du DVD], la réalisation de Barrie Gavin est plutôt scolaire dans son opposition de longs plans sur le chef – dont la gestique réduite au minimum est impressionnante mais guère photogénique – puis sur les musiciens. Mais ce n'est pas trop important : face à un tel déferlement de musique, la captation devient secondaire.

PJT