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Chroniques
Günter Wand et le NDR Sinfonieorchester
Anton Bruckner | Symphonie n°5
Bien que médiatisé sur le tard, le chef d'orchestre Günter Wand compte assurément parmi les géants de la direction d'orchestre au XXe siècle. Musicien d'une très grande exigence (il était connu pour terroriser les harpistes) et d'un très vaste répertoire ouvert sur la musique contemporaine, le maestro allemand a marqué son époque par ses interprétations de la musique romantique : ses intégrales Brahms, Beethoven, Schubert restent des pierres angulaires de toute discothèque, en dépit des pseudos modes interprétatives. Mais Bruckner est le musicien auquel il aura consacré la plus grande partie de son legs discographique, qu'il s'agisse de l'intégrale des symphonies enregistrée à Cologne (DHM) ou de concerts dont la légende augmentait proportionnellement à l'âge du chef (RCA).
Le 11 juin 1998 dans le cadre du festival du Schleswig-Holstein, le maestro âgé de 86 ans retrouve l'Orchestre de la NDR de Hambourg, dont il est le chef honoraire à vie depuis 1974, pour une interprétation de la Cinquième symphonie du musicien autrichien. S'il existe trois enregistrements officiels de cette œuvre par Wand, l'artiste n'a accepté de conduire cette pièce qu'à l'âge de 62 ans, tant son langage particulier lui était difficile à assimiler (on notera au passage que le travail de fond et le mûrissement des partitions sont devenus des vertus passablement étrangères aux chefs jeunes et vieux des années 2000).
Filmé avec tact et intelligence par Hugo Käch, ce concert nous offre l'occasion d'admirer la gestique précise et le regard indicateur d'un chef au sommet de son art et nullement diminué par l'âge. Face à lui, l'orchestre de la radio de Hambourg se déboutonne pour offrir le plus bel écrin sonore. La précision des cuivres, la musicalité des vents et l'homogénéité de l'ensemble sont idéaux.
Cependant, le chef ne réussit pas l'épreuve du miroir. Ce concert d'un très haut niveau ne peut se hisser au sommet de la discographie. Certes, l'ensemble et l'étagement des plans sont admirablement maîtrisés (le premier mouvement est à ce titre une merveille), mais il manque à ce live la tension pour atteindre l'inoubliable. D'autant plus que la discographie de l'œuvre est relevée : Klemperer, Furtwängler, Jochum, Van Beinum, Harnoncourt, Haitink et Wand (à Hambourg et Berlin) y atteignent des sommets vertigineux.
PJT