Chroniques

par laurent bergnach

Claudio Monterverdi
L’Orfeo | Orphée

1 DVD Opus Arte (2011)
OA 1044 D
Rinaldo Alessandrini joue L'Orfeo (1607), favola in musica de Monteverdi

Dernier grand représentant du madrigal, Claudio Monteverdi (1567-1643) est aussi l’un des premiers à s’illustrer dans le domaine de l’opéra, marquant ainsi la frontière entre Renaissance et époque baroque. En 1601, à la cour de Mantoue où il travaille depuis une dizaine d’années, le futur auteur d’Il ritorno d’Ulisse in patria [lire nos critiques des DVD Virgin Classics et Opus Arte] devient maestro della musica (maître de chapelle) du duc Vincenzo I Gonzaga, seigneur exubérant qui vit pour l’art et les femmes. Outre des musiques pour ballets et tournois, Monteverdi doit rendre plus festif les événements familiaux, tel le mariage du prince Francesco, l’aîné des six enfants, qui épouse Marguerite de Savoie le 19 février 1608. Si les noces sont finalement retardées d’un an, L’Orfeo écrit pour l’occasion est présenté, quant à lui, à la date prévue.

S’adressant à son frère, l’officier de cour Carlo Magno évoque le spectacle du lendemain : « cette pièce devrait être très originale car tous les acteurs vont chanter leur rôle. Tout le monde dit que ce sera un grand succès. Je serai sans nul doute poussé à aller la voir par simple curiosité, à moins que je n’en sois empêché par manque de place » (23 février 1607). Pour un connaisseur, l’idée d’une histoire entièrement chantée n’est pas neuve puisque le duc de Mantoue assista à une œuvre similaire, Euridice (1600), lors d’épousailles florentines. Il était accompagné de son secrétaire Alessandro Striggio, lequel conçoit, à partir du même mythe que Jacopo Peri, le livret d’une favola in musica digne de rivaliser avec la cour des Médicis.

Captée au Teatro alla Scala (Milan) en septembre 2009, la mise en scène de Robert Wilson charme d’emblée par un univers pastoral esthétisant, avec cyprès, animaux, chœur de nymphes et bergers. Le statisme relatif est brisé par les bonds d’un singe – le symbole chrétien de l’homme déchu au Moyen Âge prit ensuite une signification plus large, telle cette satire de la vanité croquée par von Max dans un célèbre Singes en critiques d’art (1889) –, mais c’est surtout Nicola Strada, danseur-oiseau, qui anime des scènes aux gestes codifiés. Les Enfers favorisent paroi minérale et géométrie implacable où la pénombre accentue l’aspect pupi des maquillages.

Vaillance et grand souffle caractérisent Georg Nigl, rôle-titre dont la gouaille initiale, quasi populaire, laisse place à une lamentation très ornée, aux attaques douces. Roberta Invernizzi plaît (La Musica, Euridice, Eco), moins pourtant que Sara Mingardo (Messagera, Speranza), bouleversante d’expressivité et de nuance. On est séduit par le soprano Raffaella Milanesi (Proserpina), souple et chaleureux, Giovanni Battista Parodi (Plutone) au grave sain et profond, et Luigi De Donato (Caronte), d’une ferme autorité – applaudi en Plutone de L’Orfeo de Rossi [lire notre chronique du 4 février 2016]. Enfin, Furio Zanasi (Apollo) offre un chant facile et fervent. En fidèle du compositeur [lire notre critique du CD Vespro della Beata Vergine et notre chronique du 22 juin 2005], Rinaldo Alessandrini guide orchestre maison et Concerto Italiano avec la distinction attendue.

LB