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Chroniques
XIVe Victoires de la Musique Classique
Ballestra, Jaroussky et Tamestit récompensés
Après coup, les récriminations du public contre un chauffeur de salle trop vif à lancer les applaudissements, celles d'artistes évoquant des conditions de répétition spartiates nous ramenaient à ce qu'avait été cette soirée : un show soumis aux lois du direct, suivi par près de deux millions de téléspectateurs (8.6% de parts de marché, selon Médiamétrie). Marie Drucker l'a répété à l'envi : installées dans ce qu'elle estimait « une des plus belles salles du monde » (sur une échelle de dix ? De trois cents ?), ces nouvelles Victoires de la Musique Classique représentaient le plus grand spectacle de l'année consacré à cette catégorie artistique – entendez : une plage de plus de deux heures en prime time. On s'en doute, ce genre de cérémonie est là moins pour la culture que pour le commerce, car s'il faut récompenser des œuvres et des artistes qui ont marqué l'actualité de l'année, c'est bien pour susciter l'envie de les retrouver, par l'achat d'un enregistrement (Maurizio Pollini dans Chopin, Faustus de Pascal Dusapin, etc.) ou d'un billet de concert.
Qu'importe : avec une bonne vingtaine d'interventions musicales oscillant d'un hommage récurrent au musical (Gershwin et Bernstein) à la promotion du mouvement néotonal (Thierry Escaich, Philippe Hersant, etc.) – plus une parenthèse rappelant les difficultés liées à la réforme du statut d'intermittent du spectacle –, cette quatorzième édition ne s'est pas moquée du monde. Si l'on exceptait un ou deux pianistes tapant comme des sourds, un violiste au son famélique, un maître de cérémonie dirigeant Bizet au pas de charge, un pédagogue soporifique, un chanteur aux rimes aussi plates que son électrocardiogramme (espérait-il voir sourire un public ignorant tout de Duran Duran et Joy Division ?), on en avait – comme on dit – pour son argent : l'aisance de Natalie Dessay dans Glitter and be gay, le cristal de June Anderson dans Casta Diva ou encore la couleur tonique du jeune Norvégien Eivind Gullberg Jensen à la tête de l'Orchestre National de France (formation recevant une Victoire d'Honneur).
Et puis, il y eût le plaisir de scrutins surprenants. Qui aurait cru que le vote – du public, entre autres, pour la catégorie Révélation – aurait abouti à écarter des seniors tels Nelson Freire ou Roberto Alagna au profit des talents d'aujourd'hui ? Que David Guerrier ressusciterait Tomasi à la trompette ou que l'alto d'Antoine Tamestit – instrument que cette manifestation récompense pour la première fois – pourrait jouer ici Bartók ? Que Musicatreize, avec ses « artistes qui font bloc autour de la musique du XXIe siècle », soit une formation préférée à d'autres plus baroques ? Notre équipe se réjouit de la Victoire de l'Artiste Lyrique reçu par Philippe Jaroussky – dont l'émouvante aria vivaldienne rappelait combien sa carrière se déroule dignement [lire notre dossier de septembre 2004] –, mais plus encore de la Révélation du baryton Jean-Luc Ballestra [photo], révélation pour le grand public ainsi que pour la plupart de nos confrères, web et imprimé confondus, mais que nos fidèles lecteurs connaissent déjà [lire notre dossier de juillet 2005].
LB