Chroniques

par irma foletti

Ricciardo e Zoraide | Richard et Zoraïde
opera seria de Gioachino Rossini

Rossini Opera Festival / Adriatic Arena, Pesaro
- 14 août 2018
Marshall Pynkoski met en scène une rareté composée par Rossini
© studio amati bacciardi

Ricciardo e Zoraide est sans doute le titre le moins connu et le moins représenté de nos jours, parmi les neuf opere serie composés par Rossini pour le Teatro San Carlo de Naples (création le 3 décembre 1818). Le Rossini Opera Festival (ROF), dont, depuis sa création en 1980, la mission est de proposer au public l’intégralité des ouvrages du compositeur, l’a tout de même programmé deux fois ces dernières années. Les représentations de l’édition 1990, dans la production très réaliste de Luca Ronconi où choristes et solistes nubiens arboraient des maquillages africains, avaient constitué une vraie découverte pour la majorité des spectateurs. Les trois rôles d’Agorante, de Zoraide et Ricciardo étaient alors défendus par Bruce Ford, June Anderson et William Matteuzzi, la reprise de 1996 étant distribuée à Charles Workman, Anna Rita Taliento (une des erreurs de casting les plus malheureuses dans l’histoire du ROF) et Gregory Kunde.

En 2018, la domination des États-Unis d’Amérique n’est plus aussi forte qu’au tournant des années quatre-vingt-dix (quatre chanteurs américains parmi les six précédents), la mondialisation ayant aussi produit ses effets sur le chant rossinien. Le Russe Sergueï Romanovsky n’est pas exactement le baritenore attendu pour le rôle d’Agorante, sa tessiture est assez large, avec tout de même une puissance plus limitée dans la partie grave. Les aigus sont bien exprimés, mais le chanteur paraît forcer des moyens naturels et on repère quelques petits signes de fatigue que nous n’avions pas détectés l’année passée à Pesaro, dans Le siège de Corinthe [lire notre chronique du 16 août 2017]. Le soprano sud-africain Pretty Yende se montre très convaincant en Zoraide, à l’aise dans les fioriture rossiniennes et dotée d’une fort belle qualité de timbre ; elle ajoute encore quelques suraigus dans les cadences. Depuis ses débuts ici-même en 1996, qui l’ont propulsé sur les scènes internationales, le ténor péruvien Juan Diego Flórez est resté fidèle à la manifestation. Il ajoute un nouveau rôle à son répertoire, celui de Ricciardo où la virtuosité est toujours aussi brillante et les aigus claironnants. Xabier Anduaga (Ernesto), l’autre ténor clair et sonore, impressionne également, tout comme le mezzo Victoria Yarovaya (Zomira), doué d’un grand abattage, et la basse puissante Nicola Ulivieri (Ircano) [lire notre chronique du 25 novembre 2016].

Après son Barbiere di Siviglia en 2014 à Pesaro, on retrouve avec plaisir Giacomo Sagripanti [lire notre chronique du 17 décembre 2016] aux commandes de l’impeccable Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI. La direction est équilibrée, attentive, variée, dynamique et puissante mais sans ostentation. La production de Marshall Pynkoski est une curiosité, jouant d’un kitsch assumé [lire nos chroniques de ses Armide, Persée et Lucio Silla]. Devant des toiles peintes qui permettent de rapides changements entre les scènes, cinq couples de danseurs exécutent une chorégraphie d’un autre âge, réglée par Jeannette Lajeunesse Zingg (femme du metteur en scène).

Ricciardo entre en scène dans un bateau doré sur roulettes, tandis que les danseurs agitent des voiles bleus pour figurer les vagues. Les poses sont également caricaturales, en particulier lorsque certains solistes se disent (très longuement) adieu ou que les amants-titre achèvent leur duo par un long baiser se prolongeant sur les applaudissements, interminables. Après le Barbiere di Siviglia extrêmement élégant et plutôt sérieux réglé par Pizzi [lire notre chronique de la veille], ce traitement de Ricciardo e Zoraide fait finalement beaucoup plus sourire que ce qu’on peut attendre d’un opera seria, mais il ne perturbe en rien le chant.

IF