Chroniques

par samuel moreau

Jean-Baptiste Lully
Persée

1 DVD EuroArts (2005)
2054178
production filmée au Théâtre Elgin de Toronto en avril 2004

Né à Florence (1632), mort à Paris (1687), Jean-Baptiste Lully illustrerait à lui seul la querelle esthétique entre style italien et français. Violoniste et danseur entré à vingt ans au service du jeune Louis XIV, il deviendra bien vite le compositeur de la cour jusqu'à régner en despote sur la vie musicale – l'opéra, en particulier. Recourant à des inventions et adaptations, il s'attaqua aux conventions italiennes, posant peu à peu des jalons d'expression nationale concernant l'air de cour, l'ouverture, la suite, la tragédie lyrique, etc. Cette dernière, faisant suite aux années comédies-ballets, l'occupera régulièrement de 1673 jusqu'à sa mort. Avant de se mesurer aux personnages français (Roland en 1685, Armide en 1686, etc.), Lully aborde encore la mythologie gréco-romaine en 1682, avec Persée.

Héros au noble cœur, fils de Zeus et de la mortelle Danaé, Persée se bat pour la justice terrestre et contre la jalousie de Junon. Il délivre tout d'abord l'Ethiopie de Méduse, femme à chevelure de serpents, à la vue de laquelle les hommes se changent en pierre. Ensuite, il sauve Andromède – fille du roi Céphée et de son épouse Cassiope – des mâchoires d'un monstre marin à qui ses ravisseurs veulent la sacrifier. Enfin, marié à la princesse, il doit mater une révolte conduite par Phinée, oncle furieux auquel la jeune épouse était d'abord promise. Louis XIV, roi de droit divin, est à l'image de ce combattant déterminé et vainqueur épaulé par l'Olympe. Dans cette adaptation des Métamorphoses d'Ovide, n'oublions pas Mérope, sœur de la reine inventée par le librettiste Philippe Quinault, et amoureuse sacrifiée.

Pour cette production filmée au Théâtre Elgin de Toronto en avril 2004, Marshall Pynkoski signe une mise en scène excellente, accordant une place importance à la gestuelle des chanteurs et n'oubliant pas l'humour (troisième acte). Les interventions de l'Atelier Ballet, chorégraphiées par Jeannette Zingg, sont précises et élégantes. La direction d’Hervé Niquet, à la tête du Tafelmusik Baroque Orchestra, est très tonique.

Les chanteurs, eux aussi, sont d'un excellent niveau artistique. Très présente et efficacement projetée, la voix d'Olivier Laquerre (Céphée) s'agrémente d'une ornementation discrète. Marie Lenormand (Andromède) accuse un chant facile, très égal, à la couleur homogène. Nuancée et expressive, Monica Whicher (Mérope) séduit par un beau legato. Aux aigus souples et doux, Cyril Auvity est Persée, protégé par le Mercure de Colin Ainsworth, ténor clair et léger. Seule petite réserve, regrettons le manque de nuances d'Alain Coulombe (Phinée) et la prononciation souvent brouillonne car hyper consonantique de Stéphanie Novacek (Cassiope).

SM