Chroniques

par marc develey

récital Marlon Titre

Théâtre de la Ville, Paris
- 20 novembre 2010
le guitariste Marlon Titre en récital au Théâtre de la Ville, Paris
© dr

Avec la Sonate pour violon seul en sol mineur BWV 1001 de Johann Sebastian Bach dans la transcription (en la mineur) d’Enno Voorhorst pour guitare, Marlon Titre ouvre son récital dans un climat méditatif qui ne le quittera pas. Le son, intérieur plus que lointain, recherche la rondeur du luth, le récitatif chantonne ses ornementations, quelque chose d’enfantin résonne à la fugue. La production de la note parfois hésite, mais, dans un ethos très différent de celui endossé par Philomena Moretti [lire notre chronique du 10 avril 2010], cela gêne peu : la guitare n’exige rien, s’impose dans la distance et requiert que l’on accueille ses propositions sans rien en anticiper.

Changement d’époque. À un récitatif très élégant succède une romance chantonnée à la manière intime du Lied : les miniatures de l’An Malvina extrait des Berdeklänge Op.13 de Johann Kaspar Mertz nous sont proposées dans l’atmosphère solaire d’un été écrasé de chaleur. Le rubato s’y déploie, sensible, dans la langueur des diminuendo et s’en vient mourir aux confins tendres de la coda.

On attendrait plus de régularité dans les aigus de Recuerdos de la Alhambra, leur relatif tremblé ne suffisant pas à installer le silence dans une salle trop peu présente pour le volume sonore voulu par l’artiste. Sur la longueur, pourtant, une émouvante nostalgie sourd du chant et Francisco Tárrega n’en est pas déshonoré, loin s’en faut.

Presque douloureux sur son ouverture en mineur, le Grand Solo en ré majeur Op.14 de Fernando Sor laisse entendre un écho sur le déroulé de ses arpèges et l’ostinato vif des basses. Le thème se lance dans un allant aux piani délicats, presque murmurés, ornés d’appoggiatures badines : quelque chose de l’enfance, encore, que quelques imprécisions n’effraient pas. Le travail du son impressionne : flûte, clavecin, puis effets pianistiques, assurément schubertiens. Offerte dans ce style enchanteur, la pièce est l’une des plus convaincantes de cette séquence.

De Marlon Titre lui-même, les trois mouvements de l’Orfeunism s’installent au XXème siècle. Parfois en limite de son, le Solo, guitarrá, tambù déplie ses gammes modales comme galets roulés, nuages et vent, dans le rythme coulé d’un shakuhachi, dirait-on. Puis, sur une pulsation plus marquée, une forme d’impressionnisme délicat (rappels discrets de certains pas sur la neige ?) accompagne le son jusqu’au silence. Debussyste encore, leCaleidoscope, tissé d’échos pianissimo, creuse dans la résonnance de cellules thématiques répétées un espace tout à la fois enfantin et méditatif. L’Orfeunism final clôt la pièce dans un allant con fuoco, moment rare de ce concert en demi-teintes.

Trois Études d’Heitor Villa-Lobos (1, 7 et 8) extraites des Douze études pour guitare paraissent ici et là plus brouillonnes. Mais le climat proposé séduit et le jeu d’harmoniques, fort maîtrisé, est enchanteur, ainsi qu’il se montre au début du Paisaje Cubano con Fiesta de Leo Brouwer, pièce courte aux accords parfois rêches, traversée d’une belle sensibilité. Peut-être moins convaincant alors s’avère l’ultime morceau du concert, Seis por Derecho d’Antonio Lauro. Non que n’y soit communiqué le vif écho d’une chanson ou l’envie d’une danse, mais plutôt qu’on y demeure en deçà de l’exubérance festive de la partition, emporté trop loin par la tenue du récital dans un espace musical intimiste – ce que ne dément pas un bis touchant, El Testament d’Amèlia de Miguel Llobet, tout de romance et d’harmoniques lointaines.

MD