Chroniques

par laurent bergnach

Quatuor Arditti
Aperghis, Dillon, Ligeti et Neuwirth

Biennale Quatuors à cordes / Cité de la musique, Paris
- 15 janvier 2010
le Quatuor Arditti joue Aperghis, Dillon, Liegeti et Neuwirth à la Biennale
© lukas beck

Entre le quatuor de Rihm invitant aussi des chanteurs à célébrer la lumière [lire notre chronique du 17 novembre 2009] et le Septième de Dusapin donné demain (évoquant, en vingt-et-une variations, le Temps Ouvert), les Arditti proposent aux Parisiens un programme cohérant autant que jouissif, avec quelques créations françaises ou mondiales auxquelles ils semblent (pre)destinés depuis près de quarante ans.

Le récital débute avec Quartet Movement (2008) où Georges Aperghis n’a pas souhaité l’habituelle « conversation entre personnes raisonnables » mais des musiciens liés entre eux comme les branches d’un même arbre, les fibres d’un même tissu. Une suite d’harmonies qui compose cette courte pièce – lesquelles « n’ont rien à raconter et sont dégagés de tout affect » –, offre donc une présence plus qu’un discours. Pas de doute, nous sommes bien dans l’univers du compositeur des Machinations et autres Tourbillons, où le son précède le sens : chantonnement, pépiements et bourdonnement se mêlent aux lointains échos d’un ragtime ou d’une Claire Fontaine sur flûte de Pan.

Créé le 21 novembre dernier au Festival d’Huddersfield, le Quatuor à cordes n°5 de James Dillon s’inspire de la répétition des modèles géométriques et des changements de perspectives de l’architecture cubiste. Ce n’est pas sans raison que Jean-Noël von der Weid résume la musique de l’Écossais en parlant « d’unité déchirée » et de « sens glissant toujours prêt à s’effondrer » : nous sommes saisis par une énergie qui se décharge en grinçant – le violoncelle paraît électrifié – ou par ondulations rageuses, s’égrène en pizzicati musclés et se déploie grâce à des pupitres vivement contrastés. Par instants, un ostinato haletant, une réminiscence de gigue « humanisent » ce quart d’heure qui annonce sa fin.

Suit un hommage d’Olga Neuwirth à la mémoire de l’artiste américain Henry Darger (1892-1973) dont l’œuvre principale – un récit épique racontant la lutte de sept princesses contre un être diabolique en quête d’enfants esclaves, illustré de trois cent dessins et collages – ne fut connue qu’après sa mort. In the realms of the unreal fait référence au titre interminable donné à ces milliers de pages, et propose, sur les traces d’Akroate Hadal (1995) ou settori (1999), de riches textures et alliances timbriques. Après un départ mettant en alerte telle une sirène, les grincements, sifflements et vrombissements successifs conduisent à un apaisement digne d’une prière.

L’œuvre la plus ancienne nous attend en seconde partie de programme. C’est en effet le 14 décembre 1969 que fut créé le Quatuor à cordes n°2 de György Ligeti qui représenta pour lui « une opposition à la forme ouverte, à l’aléatoire ». Chacun des cinq mouvements y déploie un caractère propre (lyrisme jacassant, inquiétude sourde, rebonds agités, énervement contenu, délicatesse aérienne), et, à l’opposé des pièces précédentes qui semblent plus fragmentaires, l’on a l’impression que dès le départ quelque chose nous est raconté avec la conscience du but à atteindre.

LB