Chroniques

par hervé könig

Philippe Boesmans et Francis Poulenc
Anna Caterina Antonacci, David Kadouch et Cédric Tiberghien

Orchestre symphonique de La Monnaie, Dennis Russell Davies
Palais des beaux-arts, Bruxelles
- 24 septembre 2017
Philippe Boesmans, à l'honneur du début de la saison 2017/18 de La Monnaie
© dr

Après avoir commencé sa nouvelle saison avec la reprise du Pinocchio vu au Festival international d’art lyrique d’Aix-en-provence cet été [lire notre chronique du 9 juillet 2017], en coproduction avec les opéras de Dijon et de Bordeaux, La Monnaie commençait sa saison de concerts il y a une semaine, par un programme Barber, Debussy, Mernier et Poulenc que dirigeait Alain Altinoglu, son actuel directeur musical. Son troisième rendez-vous de la rentrée, lui aussi au BOZAR, continue d’explorer la faconde du compositeur français amoureux de chansons et de Mozart, tout en plaçant en regard de l’affiche théâtral un opus de Philippe Boesmans : son Capriccio pour deux pianos et orchestre de 2010.

C’est d’ailleurs autour de cette formation spéciale que s’est construite la soirée, puisqu’elle propose également le Concerto en ré mineur FP 61 que Francis Poulencécrivit en 1932. Deux pianistes français honorent avec superbe ces deux pages, David Kadouch et Cédric Tiberghien. L’écriture toujours en référence de Boesmans [photo] est ici essentiellement rythmique, dans une impulsion plutôt jazz, sans véritable intérêt. Le peu d’inspiration de l’œuvre est toutefois valeureusement portée par les interprètes, encore plus efficaces dans celle de Poulenc, ouverte manu militari par le sémillant Dennis Russell Davies ! Après la toccata vibrante du début, génialement survoltée, ce soir, les réminiscences mozartiennes sourient fort bellement (superbe cantilène centrale). On apprécie l’efficacité, en précision comme en couleur, des pupitres de l’orchestre Symphonique de La Monnaie, en bonne santé.

Deux ans après que Korngold mette la note finale à son Wunder der Heliane, vu hier à Gand [lire notre chronique de la veille], Jean Cocteau finissait pour son amie Berthe Bovy une pièce en un acte, La voix humaine. Ce monologue d’une amoureuse parlant à l’amant qui la quitte pour une autre fut présenté à la Comédie Française, le 17 février 1930. Près de trois décennies plus tard, le moine-voyou s’en emparait, effectuant à peine quelques coupures dans le texte. Ce bref opéra fut créé par sa dédicataire, Denise Duval, à l’Opéra Comique, le 6 février 1959. Depuis, l’œuvre a été habitée par de grandes cantatrices, n’hésitant pas à affronter seules un orchestre et une salle, la plupart du temps lors de soirées qui la mariait à un autre ouvrage, comme c’était récemment le cas à Liège où Anna Caterina Antonacci nous saisissait d’émotion, après la farce conjugale Il segreto di Susanna de Wolf-Ferrari [lire notre chronique du 27 janvier 2016]. On retrouve aujourd’hui le soprano italien qui rend bouleversant ce monodrame souvent à la limite du ridicule. La clarté de la diction et l’engagement total du chant ne laisse pas indemne un public sous le charme. Aucune négligence, pourtant, dans la tenue strictement observée du récitatif accompagné : Antonacci tient rigoureusement la ligne et c’est ce qui rend cette version de concert si belle.

HK