Chroniques

par yannick millon

Les aventures du roi Pausole
opérette d’Arthur Honegger

Opéra-Théâtre, Besançon
- 8 février 2004
Les aventures du roi Pausole, opérette d’Honegger à Besançon
© dr

Le hasard fait parfois bien les choses. Alors queLes aventures du roi Pausole, opérette célèbre entre toutes dans les années trente, n’avait pas été donnée en France depuis plus de vingt ans, deux nouvelles productions y voient le jour presque simultanément, l’une à l’Opéra Comique de Paris, l’autre à l’Opéra-Théâtre de Besançon. Très portée sur la chose, l’ouvrage d’Arthur Honegger mêle grivoiseries en tous genres, quiproquos et imbroglios, le tout dans un spectacle de presque trois heures.

Force est de constater que la production bisontine de Vincent Vittoz donne une dimension plus subtile à l’ouvrage que celle de Mireille Laroche à la salle Favart [lire notre chronique du 27 janvier 2004]. À Paris, tous les ingrédients de la farce sont réunis, avec force gags et une brochette de comédiens truculents, bien meilleurs acteurs que chanteurs. À Besançon, l’œuvre est envisagée au second degré, avec des dialogues plus nuancés, plus subtils, au risque (au premier acte, notamment) de perdre en spontanéité. Mais là où Mireille Laroche en rajoute souvent, Vincent Vittoz – par ailleurs sur scène en Taxis délicieusement nasillard et lubrique – ne force jamais le trait. Ainsi, les sous-entendus ne sont que sous-entendus et des plages nostalgiques succèdent aux nombreuses plages comiques. Il pointe l’impuissance, dans tous les sens du terme, du roi Pausole, ici tellement humain qu’il en devient faible et pathétique, alors qu’il est souvent peint comme un bon vivant autoritaire et retors. Plus complexe, moins uniquement comique, le personnage prend un tout autre relief. Le metteur en scène refuse le vulgaire et le scabreux dans lesquels peut facilement tomber un livret pris au premier degré. Cette production s’avère donc beaucoup moins faubourienne que celle de l’Opéra Comique, même si l’on y croise quelques similitudes – décor modulable muni d’escaliers astucieux, portes fenêtres un peu partout, etc.

Si, au niveau scénique, les deux propositions sont tout à fait acceptables, la production franco-suisse est en tous points supérieure au niveau musical, grâce notamment à une excellente distribution. Très jolie Aline de la jeune Anna Leschenko, au timbre lumineux et à la facilité d’émission façon Dessay, infiniment supérieure à la très décevante Cassandre Berthon à Paris ; Giglio malicieux et belcantiste de Sébastien Droy, au timbre jeune et rond, à l’émission parfaitement homogène et à la belle présence scénique ; Pausole touchant de Pierre Villa-Loumagne ; amusante Diane Walkyrie de Myriam Boucris ; superbe ensemble des six Reines, mutines et très en voix. Déception, en revanche, devant le Métayer trop aristocratique et à la voix avalée du tout jeune Guillaume Crausaz.

L’Orchestre de Chambre de Genève, aux couleurs idoines, est dirigé avec panache, mais aussi avec tendresse et subtilité, par Laurent Gendre. Et – comble de bonheur ! – priorité absolue est donnée à la clarté du texte, parfaitement intelligible chez tous les protagonistes, qu’ils parlent ou chantent, ce qui se révèle fort rare. Qui a dit que la subtilité était toujours l’apanage de la capitale ?

YM