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Chroniques
L’elisir d’amore | L’élixir d’amour
opéra de Gaetano Donizetti
Sur les quelques soixante-dix opéras que composa le maestro, la plupart appartient au genre sérieux. Les ouvrages buffa sont nettement moins nombreux, mais comprennent un diptyque des plus réussis où la verve du compositeur éclate à chaque instant : le séduisant Elisir d’amore composé en début de carrière, l’éblouissant Don Pasquale écrit à la pleine maturité [lire nos chroniques du 28 janvier 2011 et du 11 juin 2004]. Si le second s’inscrit, avec brio, dans la tradition de l’opéra-bouffe italien, le premier se love dans un adroit mélange de ce genre façon Rossini et consorts avec l’opéra-comique français alors défendu par Auber. Mariage réussi, union parfaite, osmose savoureuse, avec alternance d’airs tout à tour brillants (l’entrée du prétentieux sergent Belcore) et rêveurs (la méditation de Nemorino), sans oublier des ensembles concertants du plus bel effet comme le finale du premier acte.
Donner un tel ouvrage demande donc de réelles qualités musicales, mais également un mélange adroitement dosé d’atouts scéniques, face à la convention d’un livret sans prétention excessive et sans grande originalité, bien dans le goût du temps : deux (jeunes) hommes amoureux de la même (jeune) femme, le timide et le crâneur. Le premier finit par vaincre son inhibition et l’emporter, grâce à l’aide d’un pseudo élixir… qui n’est en fait qu’une bouteille de Bordeaux.
Il reste au metteur en scène à servir ce scénario éculé tout en trouvant le brin d’originalité qui apporte au mélomane-spectateur la pointe d’intérêt scénique complétant l’intérêt musical. C’est le cas du travail imaginé et développé par Richard Brunel pour la production donnée dans la cité stéphanoise. Il sait garder à cette paysannerie lyrique sa truculence et sa saveur, tout en la ramenant à notre époque, dans les décors conçus et mus par Marc Lainé et dans les costumes réalisés par Claire Risterucci. Pour les paysans de jadis, devenus là des travailleurs agricoles du présent, les casquettes New Era ont remplacé les chapeaux de paille et pour les militaires, l’uniforme chamarré d’autrefois a cédé la place au treillis, au tee-shirt et aux rangers. Adina est une (charmante) patronne d’entreprise rurale et le bonimenteur Dulcamarra un fils de pub pratiquant volontiers le matraquage médiatique pour vendre sa came. Tout cela fonctionne à merveille sous les éclairages bien réglés de Mathias Roche et grâce à la belle faculté du metteur en scène à mouvoir choristes et comédiens invités dans l’affaire. Des chœurs excellents, tout comme l’Orchestre Symphonique de Saint-Étienne, sous la baguette experte, présente et vivante de Laurent Campellone.
Il est vrai que la distribution, musicale à souhait, aussi savoureuse vocalement que dramatiquement, ne manque pas d’atout : l’Adina de Claire Debono et la Giannetta de Julie Mossay, côté féminin ; le Nemorino tout en nuance et en allant de Tansel Akzeybek ainsi que le Belcore très en voix de Marco di Sapia. On peut y joindre le Dulcamarra de Giulio Mastrototaro, hélas mal distribué dans un rôle trop grave pour lui. Un petit élixir musical qui a des arrière-goûts de revenez-y.
GC