Chroniques

par bertrand bolognesi

King Arthur | Roi Arthur
opéra d’Henry Purcell (version de concert)

Opéra de Rouen Haute-Normandie
- 8 novembre 2003
le chef baroque Hervé Niquet
© dr

Alors que grande roue, montagnes russes, toboggans et autres machines infernales menacent la foule des rives de la Seine, l’Opéra de Rouen accueille Le Concert Spirituelpour une version de concert de King Arthur (1691) – une version espiègle, à l’humour parfois ostentatoire, grâce au facétieux Hervé Niquet qui prend un malin plaisir (ou un plaisir de malin, pour calquer le ton de la soirée) à troquer l’autorité du chef pour celle d’un lutin farceur.

Outre les appréciations du maître d’œuvre et ses régulières et sonores distributions de bons points, un peu de jeu vient aérer l’exécution de l’ouvrage. Ainsi une petite estrade sert-elle à des échanges amusants entre les solistes, de même que moufles et bonnets de fourrure sont-ils au rendez-vous de l’hiver (Acte III). Cette légèreté extérieure n’est pas tout à fait mal venue, bien qu’il pourrait être à la fois plus juste et plus subtil d’y conjuguer le non-sens plutôt que l’anecdote ou le clin d’œil. Question de goût...

Pour l’Ouverture, Hervé Niquet choisit de s’exprimer en une sonorité presque pâle, se gardant des effets de contrastes, entretenant le mystère. Pas d’attaques trop mordantes, pas d’écart de dynamique : au contraire, une grande unité dans une certaine sécheresse, sans finasserie, que l’on constate tout au long du concert. C’est dire l’impact que gagne la première intervention des cuivres ! On apprécie particulièrement la prestation des artistes du chœur dont le travail s’avère nuancé, sensible, aisément respiré, dans un parfait équilibre. On y goûte une expressivité toujours bien amenée et d’à propos. Citons, entre autre, la fin de l’Acte II, d’une suavité délicieuse.

La distribution vocale connaît l’avantage d’un véritable équilibre, en ce qui concerne les timbres et la puissance. Si Véronique Gens semble excessivement en retrait au début de la soirée, elle prend peu à peu le devant de la scène, jusqu’à briller des feux qu’on lui connaît. Le ténor Joseph Cornwell fait profiter d’un timbre riche, clair pour commencer, puis de plus en plus corsé, utilisé avec un vrai sens musical et dans une exquise élégance (Bright nymphs of Britain...). Le baryton Peter Harvey, dont on put régulièrement apprécier le talent dans les cantates de Bach, ne pâlit pas face à sa réputation ; il donne un air du froid (Acte III) tendu, rapide, en accord avec la sonorité précaire, aride – on pourrait dire « gelée » – de l’orchestre sur ce passage.

En revanche, par un timbre nasillard assez disgracieux, des aigus maladroitement gonflés et un chant surfait qui s’écoute beaucoup, sans compter des intervalles fâcheusement approximatifs dans le duo de Cupidon et du Génie (Acte III), Hanna Bayodi gêne notre écoute. Enfin, c’est avec grand plaisir que l’on retrouve la voix du jeune Cyril Auvity, dont nous vous parlions il y a peu dans le cadre du Festival d’Ambronay [lire notre chronique du 12 octobre 2003], aux aigus et aux vocalises d’une facilité, d’une légèreté, d’une évidence admirables. L’expressivité de I call you all (Acte I) ne peut que séduire.

Pour ceux qui voudraient prolonger cette soirée, Le Concert Spirituel actuellement en résidence à l’Arsenal de Metz vient d’y enregistrer King Arthur qui paraîtra bientôt en CD. De parle-t-on, ici et là, d’une prochaine production scénique ; à suivre…

BB