Chroniques

par david verdier

Hippolyte et Aricie ou La belle-mère amoureuse
parodie de Charles-Simon Favart

Opéra Comique, Paris
- 29 mars 2014
Hippolyte et Aricie ou La belle-mère amoureuse, une parodie signée Favart
© dr

Cette parodie pour chanteurs et marionnettes est à prendre au premier degré comme version populaire d’Hippolyte et Aricie de Rameau, avec une distance esthétique aussi importante que celle qui sépare la Comédie Française du théâtre de boulevard. On est ici transporté sur les tréteaux de foire, si populaire au XVIIIe siècle, qui accueillaient les représentations burlesques données à l'intention d'un public non averti.

Il est plaisant de constater qu'à l'occasion de cet opéra revu et corrigé par Favart en personne, la salle éponyme retrouve sa destination première, à l'époque où l'on parlait encore de Comédie italienne. Créée en 1742 à l'occasion de la foire Saint Laurent, cette Belle-mère amoureuse de Charles-Simon Favart s'inscrit dans la pure tradition de ce qui allait devenir le vaudeville et le guignol. L’Ancien Régime ne prend pas de précaution avec la noblesse et la grandeur de la tragédie antique.

Des deux amants, Aricie n'est pas la moins niaise et les efforts de séduction que déploie la belle sournoise vis-à-vis de son nigaud de héros soulèvent force rires et sarcasmes dans la salle. La gouaille d’Œnone jure avec la grandiloquence d'une Phèdre prisonnière de ses r roulés, loufoque illustration de son fiel contenu. Les femmes ne sont pas bégueules quand il s'agit d'exprimer un désir au lexique volontiers paillard et rugueux. Le public trouve un plaisir évident – quelque part entre caf'conc' et opérette – à redécouvrir ces héros qui pourraient très bien sortir d'un film de Marcel Carné ou de Michel Audiard.

En collaboration avec le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV), le marionnettiste et metteur en scène Jean-Philippe Desrousseaux n'a pas hésité à glisser dans la partition d'origine des airs de Gluck (Divinités du Styx), des extraits célèbres des Indes galantes ou de Platée [lire nos chroniques du 24 mars 2014 et du 4 mai 2012], mais également des comptines et chansons populaires (J'ai du bon tabac, etc.).

On pourra être surpris par les timbres explicitement verts et faux des manipulateurs de marionnettes ; ils sont contrebalancés par la bonne tenue du mezzo-soprano Marie Lenormand et du baryton Philippe-Nicolas Martin, tous deux placés en cour et jardin, de part et d'autre de la scène centrale où évoluent les marionnettes de bois, un peu perdues dans les dimensions de la salle. Dirigé par Mira Glodeanu, l'Ensemble Philidor se plie de bonne grâce aux pitreries d'usage, avec une maestria irréprochable dans la réalisation.

DV