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forum des nouveaux compositeurs hongrois – épisode 2
Ádám Brandenburg, Balázs Horváth, Dávid Magda et Péter Tornyai
Mardi, nous retrouvons Máté Hámori et l’Óbudai Danubia Zenekar, au grand complet, cette fois, qui interprètent les opus des quatre finalistes de la section musique symphonique du forum des nouveaux compositeurs hongrois (Új Magyar Zenei Fórum Zeneszerzőverseny). Disons-le d’emblée, leurs choix esthétiques, très différents, purent parfois laisser perplexe… Cette seconde soirée commence avec Plunderphonic intermezzi de Balázs Horváth (né en 1976), page mixte qui marie le grand effectif à l’electronic live. S’inspirant de la technique des DJ, l’auteur a ménagé un vaste glissando ascendant, a contrario, qui s’épanouit dans un vestige de danse de Kodály. Le système répétitif de fragments accumulés, puis sa brisure par la voix parlée (dans les haut-parleurs), enfin le soin des répons entre l’orchestre physique et son cousin virtuel s’inscrivent dans une posture postmoderne, rompue par un postlude de couleur spectrale. Sur une harpe désinvolte, comme désabusée, les vents s’évanouissent.
Après un changement de plateau assez conséquent durant lequel a lieu une causerie entre Csaba Káel, directeur de CAFe Budapest, et László Gőz, fondateur du label discographique BMC [lire nos chroniques des Duos de Bartók, d’Electrochronicle, Atlantis, Windsequenzen, Kozmosz, Jet Stream, As I crossed a bridge of dreams, Trois sœurs et Seven d’Eötvös, Marosszéki táncok de Kodály, Melodien de Ligeti, Játékok de Kurtág, Gruppen de Stockhausen et Le sacre du printemps de Stravinsky], du lieu éponyme où nous nous trouvions hier [lire notre chronique de la veille], enfin du concours lui-même, découvrons Chorus sturnorum de Péter Tornyai (né en 1987). Violoniste, le créateur impose au grand effectif une scordatura particulière, déjà troublante en elle-même mais encore brouillée par le mariage subtil du cymbalum et du piano (tous deux chers à Kodály, auquel cette édition du concours demande que les candidats rendent hommage, rappelons-le). Tornyai [notre photo] ne recourt pas à l’électronique, mais avec le jeu des timbres et cet accord spécial, il en invite l’aura, notamment dans des continuum microtonaux relevés par des salves percussives, espacées mais drues. Un homoncule de chanson dégringole des bois, de spectrale manière, ouvrant sur une section de sournoise inquiétude, en fait une très courte coda ponctuée par un effleurement du cymbalum, aphoristique. Chorus sturnorum interroge et convainc – voilà qui invite à faire d’autres pas vers la musique de Péter Tornyai (en fréquentant sa chaîne Youtube, par exemple, dont on ne se lasse de Monochrome, un concerto (be)for(e) piano passionnant).
Aucun changement de plateau pour accueillir Prières nocturnes (titre en langue française) d’Ádám Brandenburg (né en 1991) qui abandonne cymbalum et piano. Immédiatement, le savoir-faire du compositeur ne laisse aucun doute, dans cette page climatique abordant la lisière de la mémoire. Ne doutons pas que le grand écran prenne avantage de cette facture léchée jusqu’en son apex dramatique – soit dit sans mépris aucun pour le support musical cinématographique ni pour le cinéma lui-même, bien sûr. Rapidement sur sa faim quant à l’œuvre, c’est l’occasion de se concentrer sur la prestation instrumentale : l’excellence des musiciens de l’Orchestre Danubia d’Óbudai, applaudis à Paris l’an dernier lors du concert commémoratif de la guerre d’indépendance de 1956, laisse pantois [lire notre chronique du 15 novembre 2016]. Le concert s’achève avec Egy leukémiás lány emlékére (En souvenir d'une leucémique) de Dávid Magda (né en 1984). Chez cet organiste, la maîtrise de l’orchestration est évidente. Après un départ ascensionnel d’une tragique austérité, l’omniprésence d’une polarisation tonale tend vers un folklore imaginaire qui, lui aussi, paraît d’un autrefois idéalisé.
BB