Chroniques

par irma foletti

Ernani | Hernani
opéra de Giuseppe Verdi

Opernhaus, Bonn
- 20 mai 2022
Will Humburg joue "Ernani" de Verdi à l'Opernhaus de Bonn
© thilo beu

Roland Schwab n’est pas un inconnu dans le monde de la mise en scène d’opéra, il a déjà produit, entre autres, Don Giovanni à la Deutsche Oper de Berlin [lire notre chronique du 15 janvier 2017] et il est attendu cet été au Bayteurher Festspiele pour Tristan und Isolde [lire notre chronique de Mefistofele]. Le spectacle qu’il règle à l’Opernhaus de Bonn magnifie le rare Ernani de Giuseppe Verdi, dans la scénographie d’Alfred Peter qui a beaucoup d’allure. Le dispositif repose essentiellement sur une vaste pièce d’habitation à l’étage, celle-ci installée sur des étais et des échafaudages. Le plateau tournant montre alternativement la surface de la scène et l’arrière de la bâtisse, le tout noir comme un champ de ruines calciné ; au-dessus, la salle, d’un blanc éclatant, éclairée par un riche lustre. On passe ainsi rapidement du bas monde du bandit Ernani et de ses sbires agressifs au niveau supérieur, l’habitation du noble Silva. Au deuxième acte, les musiciens (bois et cuivres) sont assis sur scène et le vieux Silva les dirige pendant les préparatifs du mariage de la malheureuse Elvira, à l’étage. Effet supplémentaire de mise en scène, l’acte se termine avec une rangée de flammes en fond de plateau. Les décors varient après l’entracte, d’abord sur un plateau vide et noyé dans une épaisse fumée, avec de nombreuses têtes de mort au sol pour représenter la tombe de Charlemagne. Pour l’acte conclusif, la tournette est de retour, mais la salle est désormais détruite.

La distribution vocale amène de belles surprises.
D’abord, George Oniani, dans le rôle-titre, possède une voix généreuse et homogène du grave à l’aigu. Le ténor a tout de même tendance à chanter assez systématiquement en force ; c’est un avantage pour les nombreux passages qui exigent un style vaillant et où il tient la note avec bravoure, mais un inconvénient lors des séquences plus nuancées. En Elvira, le soprano Yannick-Muriel Noah impressionne également par des moyens opulents qui la dotent quasiment de deux voix, sans réelle continuité naturelle entre les deux registres. Les graves sont bien nourris et expressifs, et, à l’autre extrême, la partie aiguë est projetée puissamment [lire notre chronique d’Oberst Chabert]. Les passages d’agilité ne sont peut-être pas ceux d’une pure belcantiste mais on apprécie les petites variations, bienvenues lors des reprises.

Le cas de Federico Longhi (Don Carlos) est plus problématique [lire notre chronique de Turandot]. Après sans doute une méforme à son démarrage, où la voix se dérobe et perd la bonne intonation lors des accès de colère, dans un vibrato parfois envahissant, on retrouve le baryton dans de meilleures dispositions, avec un timbre en adéquation au rôle et une ligne de chant plus contrôlée, réservant le meilleur au grand air de l’Acte III, Oh, de’ verd’anni miei, bien que les aigus accusent une certaine fragilité. La basse Pavel Kudinov (Silva) fait entendre une couleur slave, la justesse de ton et la conduite de chant sont assurées, mais le déficit de volume ne confère pas au personnage l’autorité attendue d’un grand d’Espagne [lire nos chroniques de Schneewittchen, Tamerlano et Arminio]. Parmi les rôles secondaires, on remarque la voix saine du ténor Tae-Hwan Yun (Don Riccardo).

Aux commandes d’un Beethoven Orchester Bonn de qualité fort appréciable, Will Humburg impulse une direction plutôt démonstrative, par moments spectaculaire, dont certaines attaques des cordes affirment très grande ampleur. Il n’hésite pas à accentuer les nuances et variations de tempo, en prenant, par exemple, une partie de la cabalette du soprano du premier acte dans un ralenti extrême, facilitant sans doute la tâche de l’interprète. Un mot, enfin, pour féliciter le Chor des Theater Bonn, renforcé ce soir par des choristes extras, l’ensemble faisant preuve de cohésion, d’enthousiasme et de concentration rythmique.

IF