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Chroniques
Emőke Baráth, Orchestre national de Lyon, Spirito
César Franck et Francis Poulenc par Bernard Tétu
Le regard fixe, tendu par l'émotion comme une corde à linge, Bernard Tétu a quitté très momentanément le milieu de l'avant-scène lorsque s'élève l'Ave Maria de César Franck, dans la plénitude d'une mélodie romantique automnale insufflée des tourments du soprano Stéphanie Révidat. Mais le maestro ne s'éloigne guère de l'épicentre de l'Orchestre national de Lyon au soir de ses adieux, tout au bout d'une collaboration de quarante ans avec l’Auditorium Maurice Ravel. Pour le reste du concert, sa baguette dirigera sans relâche, avec beaucoup de soin.
Tout concentré sur le travail de Spirito, regroupement de quatre grands chœurs lyonnais dont il s'efface aujourd'hui de la direction artistique, Bernard Tétu offre en partant, en emportant un public nombreux, quelque peu complice mais surtout fort admirateur, les quatre motets de Franck, enregistrés à Lyon en 2006 avec l'organiste argentin Diego Innocenzi : Quare fremuerunt gentes, Domine non secundum, Ave Maria et Quæ est ista. Écrite pour la paroisse parisienne de Sainte-Clotilde, cette musique d'église oscille entre le liturgique et l'opéra, comme Purcell semble poindre dans la conclusion en apothéose, avec ténor, basse et volutes de harpe en contrepoint lyrique des ultimes prières chorales.
Maintenant juste avant l'heure si déchirante et assez obligée des hommages vibrants et de la décoration – une médaille de la ville sera remise en fin de soirée –, dites-moi, chers amis de la culture vivante à Lyon, ce qui ne va pas ? Bernard Tétu nous laisse heureusement des chœurs majestueux, tourbillonnants, modulés avec grâce [lire nos chroniques du 12 janvier 2011, du 12 janvier et du 31 août 2014]. Et cette injonction à vivre au « plus-que-présent » aussi, pour reprendre la jolie formule lancée par-dessus les compliments et les embrassades, conformément à un caractère généreux et insatiable apprécié de tous ses collaborateurs.
Entre-temps, pour conclure sous les feux de la rampe, l'arc de cercle vocal s'est épaissi tel un croissant de lune auquel accrocher deux œuvres de Francis Poulenc – au jour anniversaire de la naissance du compositeur, le 7 janvier 1899. Après les Litanies à la Vierge noire (1936), sublime prière à Rocamadour traversée de légers vertiges et de suaves suppliques, fragiles et alarmées, l'orchestre s'étoffe aussi pour le grandiose Gloria, créé à Boston voilà cinquante-cinq ans. Le superbe soprano de sirène d'Emőke Baráth se fond alors aux chœurs impeccables de puissance et de diction dans l'amour du chant que l'on célèbre sous les ovations, encore et encore après le rappel du dernier mouvement, tout au long de la fin de semaine en fait, dans le cadre de la manifestation Éclats de voix (contre la pollution, le rude hiver et les coups au moral).
FC