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création de L’Agneau Mystique des frères Van Eyck
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Pour cette deuxième journée du festival Figures du siècle, après la mise en avant du soliste puis de l’ensemble [lire notre chronique de la veille], c’est au tour de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon de gagner la scène de la Salle Pasteur, dans un programme qui débute avec Intégrales. Ébauchée durant l’année 1924 et créée le 1er mars 1925 à New York sous la direction de Léopold Stokowski, l’œuvre est « la plus analysée sans doute du corpus varésien », de l’avis de l’universitaire Régis Authier qui rappelle que « la recherche d’une expression libre et créatrice a incité Varèse à imaginer ainsi qu’à employer de manière significative de nouvelles déterminations de la pensée musicale ». La lecture claire de Robert Tuohy, les pupitres bien différenciés rendent justice à une pièce certes violente pour l’assimilation du petit-déjeuner mais ô combien salutaire, dont l’auteur « empêchera toujours de dormir ceux pour qui la musique n’est qu’un éternel recommencement » (Xenakis).
Concerto pour violon et quinze instruments de Pascal Dusapin, Quad, in memoriam Gilles Deleuze (1996) permet à Aude Périn-Dureau d’explorer plusieurs sentiments, de la couleur inquiète du début, à la tourmente et à l’inquiétude qui suivent, avant un finale rasséréné. C’est peu dire qu’elle se détache d’un orchestre discret qui lui offre parfois juste un duo avec les maracas ou la caisse claire.
L’entracte est l’occasion de faire circuler une pétition : en effet, la troisième journée de festival (23 mars), regroupant Etymo II de Francesconi, une création française de John Rea (Over Time) et une création mondiale de Walter Boudreau (Berliner Momente IV), est purement annulée, sans doute pour des raisons de budget. Vu la page A5 qui tient lieu de programme de salle (avec juste le nom du compositeur, le titre de l’œuvre et une durée aléatoire, sans même l’année de création), nous y croyons sans peine, au point de craindre une volonté de faire disparaître cette manifestation gratuite fort attendue. Dans une ville attachée à la qualité autant qu’à la diversité musicale, où l’on peut entendre La chevauchée des Walkyrie s’échapper du manège pour enfants de la Place de la Comédie, le nouveau directeur ferait un mauvais calcul en sous-estimant l’intérêt d’un public affûté pour la musique de son temps.
S’il est un compositeur qui n’a pas négligé cette dernière, écoutant Debussy, Ligeti et Grisey mais également le rock psychédélique des années soixante (Jimmy Hendrix, Pink Floyd, Velvet Underground) et les musiques d’ambiance (Brian Eno), c’est bien le regretté Fauto Romitelli. « Mais mon intérêt pour le rock, précisait-il en 2001, n’est qu’un versant d’un intérêt plus général pour la synthèse, la fusion instrumentale, et plus généralement l’idée de créer des sons très granuleux, très distordus, de faire naître un matériau musical tellurique, violent. » (in Le corps électrique, L’Harmattan, 2005). Dans Lost pour soprano et quinze instruments – créé à Royaumont le 20 septembre 1997 sous la direction de Lorraine Vaillancourt –, les mots de Jim Morrison, portés par Françoise Kubler dans une ambiance de couvre-feu, rencontrent le timbre en majorité ronflant de l’harmonica, de la flûte de pan et du kazoo, mais aussi les vibrations d’un clavier électronique qu’on croirait à la messe.
Justement, la dernière pièce du concert a pour titre L’Agneau Mystique des frères Van Eyck (Sumphônia VII Op.21). Exception à la règle, une double page A4 permet à Christophe Sirodeau de présenter une création mondiale d’un quart d’heure aux vingt-sept sections « inspirée par le célèbre polyptyque de L’Adoration de l’Agneau Mystiqueque l’on peut admirer dans la Cathédrale de Gand, et qui fut terminé en 1432 par Hubert puis Jan van Eyck suite à une commande privée. [...] La technique picturale quasi fractale dans les arrière-plans trouve des équivalences dans la cohérence de la matière sonore utilisée (entre macrostructure et lignes de contrepoint des plans sonores d’accompagnement) ». Malheureusement pour nous, les quarante musiciens requis ne mettent qu’en relief la modernité des œuvres précédentes.
LB