Chroniques

par laurent bergnach

cordes d’aujourd’hui
Béranger, Combier, Hudry et Laporte

Futurs composés / Cité Internationale Universitaire, Maison du Brésil, Paris
- 19 septembre 2010
La Maison du Brésil, Cité Internationale Universitaire, Paris
© dr

Durant deux après-midi de cette fin d’été, le réseau Futurs Composés invite à découvrir de multiples architectures sonores et musicales inédites sous la forme d’installations, de performances pluridisciplinaires, de dispositifs d’écoute et, bien sûr, de concerts plus ou moins acoustiques. Comme lors de sa première conjugaison dans le cadre de la salle Favart [lire notre chronique des 17 et 18 septembre 2005], cette initiative prend appui sur les Journées Européennes du Patrimoine – singularité qui n’aurait pas échappé à l’écrivain James Graham Ballard, lequel voyait dans l’avenir une meilleure clé du présent que le passé. A l’époque, nous parlions de vitrine imprudemment offerte à la création par une manifestation visant à saluer l’héritage ancestral. C’est le mot qui nous revient aujourd’hui, car une vitrine à bien ce double effet : arrêter l’homme en baguenaude pour qu’il se laisse tenter, brisant du même coup, par cet obstacle, l’élan d’un autre qui sait où il va. Nous en reparlerons plus loin…

Difficile de choisir entre les rencontres – alléchantes mais brèves – avec Pascale Criton, Kasper T.Toeplitz ou Martin Matalon ! Au speed dating, nous avons préféré le menu plus traditionnel d’un récital, soit quatre compositeurs nés entre 1968 et 1978, défendus avec brio par Séverine Ballon et Nathalie Shaw. La première, élève des Hochschule de Berlin et de Lübeck, a perfectionné sa technique de violoncelle contemporain avec Siegfried Palm, Lukas Fels, et Rohan de Saram, avant de rejoindre les ensembles Cairn, musikFrabrik et Ictus –parmi tant d’autres. Curieuse de la musique de ce siècle, récente invitée de Pierre Boulez à sa carte blanche du Louvre, la seconde aime à jouer Maderna, Lutoslawski et Macmillan.

La violoncelliste ouvre le concert avec Werwandlung II, pièce de David Hudry qui, en découlant de la résonnance d’un pizz’, explore l’espace et les possibilités de l’électronique en temps réel. Simple écho tout d’abord, le son synthétique s’affirme face à un archet qui peine à s’exprimer, qu’il semble rejeter à mesure que sa propre matière se développe dans les haut-parleurs. Un sursaut, une morsure, engendre un échange percussif avant qu’une entente, peut-être, s’établisse. La soliste avait créé cette partition le 21 mai dernier (Festival Extension), de même que Poussières de désert, pleine des trouvailles, du Canadien Jean-François Laporte. Tandis que l’électronique convoque gouttes et mugissements, l’archer grince lentement sur les cordes, craque derrière elles, – sur le chevalet, dans un mouvement de balancier –, avant de s’énerver dans un bruit de raclements et de cristaux écrasés.

Intercalée entre ces deux œuvres, celle de Jérôme Combier convoque un violon virtuose dans un climat quasi élégiaque, tissé de sons flutés, gazouillis et autres minis vertiges. Un moment grinçante, Anima Foglia retourne vers sa sérénité d’origine, laissant l’impression d’une inquiétude sans importance, vite balayée. Ancien élève de Nunes et Levinas à l’instar de Combier, Sébastien Béranger nous confiait en mai 2008 : « En musique, je préfère les chaumières en pierres de taille aux châteaux en carton-pâte... » [lire notre entretien]. Ec(r)oulement débute par une alternance rapide d’effets sucré-salé timides, avant de gagner en présence et puissance. L’instrument se confronte alors à l’électronique qui jaillit par touches explosives. Cette pièce de neuf minutes – parce que la plus courte au programme ? – maintient sa tension d’un bout à l’autre, sans lasser.

En fin de chronique, nous avions prévu d’évoquer l’écriture de Frank Bedrossian, via son quatuor Tracés d’ombres (12’), créé sous le ciel romain en juin 2007. Malheureusement, outre les portes qui couinent, les enfants qui courent et les strapontins qui claquent, l’autre plaie de ces « flâneries sonores » est l’aberrante gestion du temps. Si les musiciens de 2e2m avait commencé à 15h15 au lieu de 15h, tout le monde y aurait gagné : ceux qui assistaient au concert suivant (15h30) dans cette même Maison du Mexique, et surtout ceux qui, sortant de celle du Brésil bien après les cinquante minutes annoncées, seraient venus à bout d’un labyrinthe de verdure sans la frustration de toucher au but au moment des applaudissements.

LB