Recherche
Chroniques
Futurs Composés
première conjugaison
Amateurs en manque de musique contemporaine (l'été fut plutôt romantique) et curieux de patrimoine s'étant donné rendez-vous le même week-end, il fallut attendre une demi-heure avant de pénétrer dans l'enceinte de l'Opéra Comique pour un premier concert programmé à 15h. Sans doute y avait-il moins de monde pour la table ronde de 10h où professionnels et public étaient conviés à une réflexion sur la création aujourd'hui, ses lieux de diffusion et la place qu'elle occupe (ou n'occupe plus) dans les médias traditionnels – un miracle, quand même, sur France 3 : vers 1h30 du matin, Marie-Aude Roux put annoncer, comme événement parisien de la semaine, la première de Cardillac, une œuvre qui a moins de quatre-vingt ans !
Avec sa première conjugaison, Futurs Composés remporte son pari d'attirer le public, après avoir fait celui de réunir, durant deux jours, tous les défenseurs de la création en Île-de-France. Ces derniers sont nombreux, puisqu'à côté des plus connus (Ensemble Intercontemporain, L'Itinéraire, TM+) l’on découvre des noms qui le sont moins, quoique plus propices à la rêverie : L'Instant donné, Éclat de souffle, La Grande Ourse, etc. On croise également des isolés, tels le facteur Pierre Malbos qui présente une restauration unique du piano rythmique des frères Baschet (brevet américain de 1963), au timbre de carillon, conçu sur le principe de la tige vibrante.
Deuxième constatation : le volume sonore des invités (la manifestation se tient portes ouvertes) s'avère malheureusement proportionnel à son nombre – supportable dans un cocktail, intolérable lors d'un spectacle. Mais y a-t-il vraiment concert ou seulement vitrine, lorsque c'est le foyer du théâtre qui sert de cadre aux prestations artistiques, avec le couloir concomitant, lieu de toutes les retrouvailles et de tous les bavardages ? Difficile de dire quoi que ce soit des œuvres de Luis Naón, Olivier Sens et Alexandre Lévy, si ce n'est qu'on perçoit le saxophone de Guillaume Orti, le hautbois de Pilar Fontalba ou la batterie d'Éric Groleau (chacun de ces soli étant lié à l'électronique) et la difficulté des instrumentistes à se concentrer.
Ces dernières années, la salle Favart programme de bruyantes opérettes où les artistes ne sont guère dérangés par le rire des ouvreuses, les sifflotements de couloir et autres grincements de portes des retardataires. Troisième constatation : difficile de ne pas souffrir avec l'Ensemble 2e2m – Éric Crambes au violon, Frédéric Baldassaré au violoncelle et Bruno Maurice à l'accordéon – qui donnait un Trio de Bernard Cavanna, avec Dominique My qui dirigeait l'Ensemble Fa dans La barque mystique de Tristan Murail ou encore avec Cédric Jullion, accompagné de Caroline Cren au piano, pour les Four Miniatures pour flûte de Brian Ferneyhough. Ajoutons à cela un public avare d'applaudissements, sans doute refroidi par la chute d'une enceinte sur une spectatrice du balcon.
À côté de ces œuvres délicates, des comédiens viennent citer Cage ou Deleuze avec humour, faisant de lien par des extraits de théâtre musical. Ainsi découvre-t-on Éric Ruff évoquant la vie des dadaïstes dans une pièce de Jean-Rémy Guédon, et Chris Martineau qui – après Lancelot du Poitou, son collègue de la compagnie Le Grain devenu « grand fort costaud » à force de caramels –, use avec virtuosité d’un violon et du chant pour ce constat final : « On n'est pas grand-chose ; ça n'a pas d'importance ».
Suite et fin, dimanche, du marathon musical…
Après un concert apéritif en la salle Bizet (et avant un rendez-vous acousmatique), la salle Favart proposait, comme la veille, une grande variété de spectacles, utilisant des supports vidéo dans la majeure partie d'entre eux : un chœur féminin a cappella – Les jeunes solistes dans Soleils de Patrick Burgan –, un solo à la guitare – Didier Aschour dans Plis de Pascale Criton –, un duo violon / violoncelle – Jérémie Siot et Noémie Boutin dans le très prenant In & Out 1 de Pierre Jodlowski –, trois œuvres de Patrice Fouillaud, Martín Matalon et Gérard Grisey pour petit ensemble, et même un échantillon de théâtre total puisque la compagnie CCMIX présentait un extrait alléchant des Cenci, opéra de Gérard Pape d'après Artaud. Quelques intervenants accompagnaient les changements de plateau, comme ces trois jeunes femmes de Nomad dont le travail émouvant aurait mérité un plus grand respect. Une pensée fut également adressée à Claude Picard, président disparu de l'Ensemble Artedie.
LB