Chroniques

par françois-xavier ajavon

Chœur de Radio France, Frank Markowitsch
œuvres de Barber, Copland, Crumb, Villa-Lobos et Zimmermann

Maison de la Radio, Paris
- 27 novembre 2005
le jeune Frank Markowitsch dirige le Chœur de Radio France in loco
© dr

Si l'on allait aux deux concerts proposés par le Chœur de Radio France [lire notre chronique de la veille] avec un a priori simpliste quant au programme – préjugé voulant que les anglophones, d'où qu'ils viennent, écrivent tous le même genre de musique vocale, douce et rythmée, inspirée par les chants d'église, le gospel, et la folk music –, ces rendez-vous ont tout pour démontrer la variété et la richesse des approches chorales des différents compositeurs à leur affiche.

Après les réjouissances britanniques d’hier, le Chœur de Radio France est aujourd’hui placé sous la direction du jeune Frank Markowitsch, plein de fougue et de précision, et donne un programme fort stimulant composé de musiques rares. Les Quatre motets d'Aaron Copland ouvrent la fête, écrits en 1921 durant sa période parisienne que marque, sous la férule de Nadia Boulanger, son enthousiasme d'étudiant pour les compositeurs phares du début du XXe siècle, tels Ravel et Stravinsky. L'œuvre fut longtemps tenue pour perdue et ce n’est qu’au soir de la vie de Copland qu’on l’édita, dans les années quatre-vingt. Pour chœur mixte et soliste, à la fois classique et un peu austère, elle est sauvée de la banalité par une exécution qui lui instille un souffle ravageur.

Les Reincarnations Op.16 de Samuel Barber – autre géant de la musique américaine, connu pour ses opéras et ses songs –, poursuivent le menu. De cette brève pièce, on retiendra Coolin, sa magnifique dernière page, tendre pastorale à l’envoûtant balancement rythmique. Toute l'expressivité de Barber (celle du trop connu Adagio) se retrouve dans ce moment lyrique. En complément de première partie est donnée l'étrange et avant-gardiste Celestial Mechanics pour piano à quatre mains de George Crumb. Composée en 1979, l’œuvre se veut une successionhg de « danses cosmiques », mais nul besoin du télescope spatial Hubble pour mesurer l'intérêt réel de cette musique un peu dépassée. Comme souvent dans ce type de créations, on peut déplorer que la mode… se démode ! Manifestement inspiré par Bartók, elle mêle des séquences intéressantes, très syncopées, presque jazzy, à des actions directes sur l'instrument, les pianistes se levant parfois pour atteindre une corde à frapper sans l'aide mécanique du marteau. Évidemment, il y a quelques moments d'irremplaçable poésie, comme ces périodiques échos de musique extrême-orientale. Le jeu de David Berdery et Yann Ollivo s’avère sportif et déterminé.

Après l'entracte, Markowitsch revient à la charge avec la Tarentella pour chœur d'homme et piano à quatre mains d'Elliott Carter, composée en 1936, et le Psaume 67 de Charles Ives qui remonte à 1898, deux œuvres austères que marque une recherche formelle et technique poussée. L'un des moments clés de cette après-midi sera la Bandita Sabedoria d’Heitor Villa-Lobos (1958). Moment clé, comme toute œuvre importante, mais surtout parce qu'elle ouvre le cycle Les Amériques sur l'Amérique du Sud, le pluriel n'indiquant pas seulement la diversité musicale étatsunienne. Cette Sagesse bénie est l'une des dernières pages du Brésilien. Elle se découpe en de très brèves sections qui reprennent des sentences morales bibliques (Psaumes ou Proverbes). Concise, claire et simple, la musique rend compréhensible le message religieux dans sa répétition en canon (les hommes répondant aux femmes, etc.). Le résultat est remarquable et le Chœur de Radio France semble à l'aise dans cet univers cependant mal connu.

Le concert s'achève dans le plus grand enthousiasme sur une pièce de Heinz Werner Zimmermann, très influencée par le jazz et la récupération par un traitement « classique » des spirituals américains : Make a joyful noise unto God (1963). Basée sur le Psaume 100, cette brève prière dynamique, pleine d'entrain et de ferveur, vaut au chef une véritable ovation qui l’invite à la rejouer en bis.

FXA