Chroniques

par gérard corneloup

Berlioz et Liszt par Emmanuel Krivine
Onslow, Reber, Berlioz et Liszt par Jérémie Rhorer

Festival Berlioz / Château Louis XI, La-Côte-Saint-André
- 18 et 19 août 2010

Pour le concert d’ouverture du Festival Berlioz, donné dans la moiteur d’une soirée thermométriquement chaude, le directeur Bruno Messina avait fort opportunément réunis deux noms, cette année indissolublement liés : Hector Berlioz, maître des lieux, et Ferenc Liszt, invité dont le monde musical célèbre le bicentenaire – deux hommes s’étant bien connus et deux compositeurs ayant volontiers puisé musicalement l’un chez l’autre. Un match au sommet, en quelque sorte, en compagnie de complices, à savoir le chef Emmanuel Krivine et les musiciens de La Chambre Philharmonique.

Au premier (entendons par là le bouillant Hector) appartenait la première partie.
L’Ouverture de Béatrice et Bénédict n’est sans doute pas son œuvre majeure… mais bon. En revanche, le cycle de mélodies Les nuits d’été est à la fois un mélange adroit et subtil de grand chant lyrique épanoui et d’élégie délicate subtilement moirée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la chanteuse Anna Caterina Antonacci était « à côté de la plaque ». Dramatisme exagéré, notes durcies, émissions par trop marquées, passages de registre indiscrets ; bref, la subtilité de cette musique n’était vraiment pas là. Ce n’était plus le souvenir d’Estelle mais les exhortations de Cassandre ! Hors sujet. Dommage pour la vie intense qui habitait les divers pupitres de l’orchestre et pour la direction de maestro Krivine.

Heureusement, Liszt leur donnait l’occasion de développer leurs qualités et leur musicalité dans la seconde partie de la soirée, laquelle réunissait deux des plus fameux parmi les divers poèmes symphonique du compositeur. Les préludes d’abord, Mazeppa ensuite. Deux tableaux étincelants, détaillés avec art, avec tact, avec une vie intense mais sans aucune forfanterie de baguette par Emmanuel Krivine. Les contrastes, si fréquents ici, étaient soigneusement menés et dosés, les pupitres dialoguant et se dépondant avec brio.

Par essence axé sur la musique de Berlioz, ce festival aime aussi présenter, défendre, faire découvrir des compositeurs français, aujourd’hui un rien négligés, du XIXe siècle, voire carrément oubliés, alors qu’ils furent largement joués à leur époque – point d’édition où ce (salutaire) principe n’est respecté. Il vient d’être illustré de belle manière.

De George Onslow, second couteau d’origine britannique né et mort à Clermont-Ferrand (1784-1853), on ne joue (et encore…) que quelques-uns des quatuors, dont le nombre dépasse allègrement la trentaine, mais on néglige le reste de la musique de chambre et plus encore ses quelques opéras-comiques, à mi chemin entre Grétry et Auber [lire (tout de même) nos chroniques du 18 juillet 2011 et du 27 février 2010]. Dire que l’Ouverture de l’un d’eux, Le colporteur ou L’enfant du bûcheron, peut passer pour un grand moment de musique serait excessif, avec la meilleure volonté du monde. Mais elle donne envie d’en entendre plus. La Symphonie en sol majeur n°4 de Reber (1807-1880), Napoléon Henri de son prénom, apparait d’une autre trempe, élégamment brossée, découpée, agencée, en particulier un deuxième mouvement particulièrement travaillé et un finale alertement troussé. Comme pour l’œuvre précédente, la direction du jeune Jérémie Rhorer, en nette progression, plus assise, plus fédérative, plus approfondie qu’auparavant, pétrit cette pâte musicale à merveille, fort bien secondée par les musiciens du Cercle de l’Harmonie, eux aussi en grande forme.

Une audition, en revanche point inoubliable, d’une partition berliozienne mineure rarement donnée, certain Rêverie et caprice Op.8 (Romance pour violon et orchestre), du pâle archet de Julien Chauvin, précédait un autre temps fort de la soirée : l’exécution de l’inusable Concerto pour piano en mi bémol majeur n°1 S.124 de Liszt. Oui, mais joué sur un piano Érard de 1837, c'est-à-dire dans le style et la façon où le compositeur put le concevoir et l’écouter. Une belle restitution, bien défendue par le jeu brillant et incisif de Bertrand Chamayou, un peu couvert dans les piani par la soufflerie des projecteurs de scène… invitée de chaque soir dont on se passerait bien.

GC