Chroniques

par bertrand bolognesi

Bartók, Eötvös, Stravinsky et Zappa
Orchestre Philharmonique de Radio France

Présences / Radio France, Paris
- 15 novembre 2009
le compositeur hongrois Péter Eötvös, photographié par Priska Ketterer
© priska ketterer

Si s'achève le deuxième volet parisien du festival Présences (qui s'exportera en Chine au printemps prochain), un volet qui fêtait Péter Eötvös et Frank Zappa [lire notre chronique du 13 novembre], la musique hongroise d'aujourd'hui et d'un hier encore tout récent sonne de par la capitale, avec le vaste cycle Identités hongroises présenté par la Cité de la musique jusqu'au 22 novembre, et celle d'Eötvös gagne Bordeaux et les représentations de son Balcon (du 20 au 27, au Grand Théâtre). On constate si rarement une telle cohérence des programmations entre elles qu'on pourrait presque la croire voulue, pour une fois…

Comme celui de vendredi, le menu de la soirée imprime une inexactitude assez fâcheuse : en effet, de Péter Eötvös Lévitation, de même que Seven, fut donné en première française lors du festival Aspect des musiques d'aujourd'hui à Caen, en printemps dernier [lire notre chronique du 22 mars 2009]. Pour se situer en région, cette bonne ville de Caen, toute normande qu'elle soit, n'en est pas moins française, si bien que l'indication création française précisée ici pour ces œuvres paraîtra mensongère, si ce n'est récupératrice au mépris du travail effectué ailleurs. Pendant longtemps, on le sait, il était de bon ton de résumer France à Paris ; sainement assoupie durant les vingt dernières années du siècle passé, la tendance s'affirmerait-elle durcie dans les premiers pas du nouveau ? Certes, l'offre culturelle parisienne est grande, mais il se passe un certain nombre de chose ailleurs, ne l'oublions pas, et dans des ailleurs dont les salles sont fréquentées, elles (on ne peut pas en dire autant de Paris où – on le constate tous les jours – se désertifient les temples de la musique).

Grand plaisir de retrouver Lévitation, donc, avec sa déclinaison savante de flottaisons que servent avec précision les clarinettes de Sabine et Wolfgang Meyer sous la battue du compositeur. Ici, l’on rencontre également une brève pièce pour chœur d'enfants, Magány (Solitude), composée par Eötvös lorsqu'il avait douze ans, pour remercier Zoltán Kodály, auteur lui-même de nombreux chœurs pour enfants, qui l'acceptait alors à l'Académie Ferenc Liszt de Budapest. D'une facture soignée, d'une inspiration sensible, cet opus est exécuté par la Maîtrise de Radio France.

Passons vite sur Romantic Medley de Frank Zappa, une page de 1983 aujourd'hui remise en forme pour récitant et ensemble vocal féminin par le Québécois Walter Boudreau : souhaitant souligner la subversion au cœur même de la créativité du rocker nord-américain, il nous fait seulement croiser l’obscène platitude des bad words prudemment voilée en son idiome original. Une subversion prégnante n'aurait-elle pas été de faire chanter ces mots-là en traduction française par les voix de la Maîtrise ? Impensable, répondra-t-on – certes, mais à s’annoncer subversifs…

En revanche, ce concert offre deux pages majeures du XXe siècle choral : les Quatre chants paysans russes, écrits par Stravinsky entre 1914 et 1917, et les Scènes de village de Bartók (1926) s'intercalant ici avec des extraits de ses Vingt-sept chœurs pour voix de femmes ou d'enfants en une suite de neuf mouvements réalisée par René Bosc. Saluons les excellentes prestations des enfants de la Maîtrise de Radio France, des voix de l'Ensemble Héliade, que dirige Elène Golgevit, ainsi que l'engagement avec lequel les instrumentistes de l'Orchestre Philharmonique de Radio France servent ce programme.

BB