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Baldur Brönnimann dirige l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg
œuvres de Grieg, Lindberg, Saariaho et Sibelius
Pour la quatrième année consécutive, le Conseil Général du Bas-Rhin et Musica mettent en place une série de concerts visant à briser l’image élitiste de la musique contemporaine – un pari « petit bras », ce coup-ci, avec deux créations antérieures à la Première Guerre mondiale ! Après Sélestat, Bischwiller et Saverne (les 20, 21 et 22 septembre), la Tournée musique finlandaise de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg s’achève in loco, avec un programme qui propose tout d’abord Deux mélodies élégiaques Op.34 (1881) d’Edvard Grieg (un natif de Norvège…).
Ce sont des adaptations pour cordes de son opus précédent, Douze mélodies (1873-80), un cycle pour voix et piano sur des poèmes d’Aasmund Olavsson Vinje dont il emprunte Den sårede (rebaptisé Hjertesår) et Våren. Si les contrebasses ronflantes de la première partie brouillent l’écoute, leur effacement dans la seconde permet de goûter un lyrisme contenu, tendre et nuancé. Les musiciens ne sont évidemment pas en cause, mais uniquement l’acoustique de l’Aula, lieu propice à mêler le public à des interprètes de Xenakis [lire notre chronique du 1er octobre 2010] ou à des danseurs en transe cagienne [lire notre chronique du 27 septembre 2012], mais peu adapté aux conditions de concert.
La pièce de Kaija Saariaho – en résidence cette année à l’OPS – en fait malheureusement les frais. Vingt ans après Laconisme de l’aile (1982) pour flûte solo, la créatrice d’Émilie [lire notre chronique du 7 mars 2010] revient à l’instrument qu’elle associe à l’orchestre, ainsi qu’à la poésie de Saint-John Perse et au symbolisme des oiseaux toujours entre ciel et terre, pour L’aile du songe (2001). On peut imaginer le massacre que fut ce concerto d’une tisseuse subtile [lire notre entretien], proche des spectraux, dans un espace cerné de coursives à la réverbération sans limites… Avec un bel engagement virtuose, Mario Caroli [lire notre entretien], omniprésent, domine cette brume d’où s’échappent également, comme arraché à la structure générale, l’aigu du xylophone et du célesta.
Le concert se poursuit avec Rakastava (L’amant), une suite pour voix d’hommes a cappella (1893), arrangée pour orchestre à cordes, percussion et triangle par Jean Sibelius, en 1911. Rompu à la direction contemporaine (Adès, Birtwistle, Chin, etc.), le Suisse Baldur Brönnimann [photo] fait de cet Opus 14 un moment délicieux qui débute avec le mouvement éponyme empreint d’un lyrisme digne, comme un givre fragile en suspension. Bridé à l’extrême, Rakastetun (Le chemin de l’amant) semble une frénésie étouffée sous cloche, d’une douceur aigre qui laisse peu prévoir son issue – élégie ou chaos ? Enfin, Hyvaa iltaa… Jää hyvästi (Bonne nuit, mon amour… adieu) apparaît d’abord chambriste, avec son violon survolant un champ étal, avant de prendre de l’ampleur.
Dernier arrangement au programme : celui de Magnus Lindberg qui s’empare du symphonique Arena (1995) pour en tirer Arena 2 (1996) – soit, comme l'annonce le chef, « une bataille avec beaucoup de notes », pour seize instruments mis en valeur à tour de rôle durant un quart d’heure vivace (figures ornementales, solo de violoncelle médian, échappée du marimba, etc.). Soucieux de clair-obscur, Brönnimann en livre avec talent tous les frémissements fébriles, les langueurs inquiètes, les sursauts constructivistes dans une tension équilibrée qui ne tutoie qu’occasionnellement le paroxysme agaçant d’Ur (1986), par exemple [lire notre chronique du 24 novembre 2007].
LB