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Chroniques
Richard Wagner
Der fliegende Holländer | Le vaisseau fantôme
Urania restitue aujourd'hui ce Vaisseau fantôme capté à Bayreuth, le 25 juillet 1955. Sous la battue inspirée de Hans Knappertsbusch, la tempête de l'Ouverture révèle immédiatement son effrayante puissance, contrastant particulièrement avec le statisme du thème des fileuses. Les dimensions apocalyptiques que le chef donne ensuite à sa lecture dépasseront le cadre du drame, s'interrogeant sur l'homme, son destin, et même son devoir. Plus qu'une interrogation, c'est un gouffre qui bée dans le point d'arrêt suspendu juste avant la conclusion de cette introduction. Le début du premier acte est énoncé dans une épaisseur noire. On remarquera la belle stabilité des cuivres, de même qu'un chœur d'une grande vaillance. On est toutefois gêné par une percussion appuyée, une manière plus que maladroite de marquer les interventions de chœur, comme le début du troisième acte, trop lent et sans nuances ; cet à-tue-tête continuel est épuisant. De même les deux interludes viennent-ils poussivement ralentir l'action au lieu d'aiguiser la curiosité de l'auditeur. En revanche, signalons un grand art du suspens, par l'emploi de cordes électriques. Dès la première apparition du Hollandais, cette version devient du noir le plus noir ; elle ne se situe plus jamais dans l'effroi, mais toujours dans le plus grand désespoir. L'accentuation du début du deuxième acte s'avère toujours judicieuse – la quenouille y est omniprésente comme rarement.
On demeure époustouflé par le plateau vocal réuni cet été là, il y a cinquante ans ! Ludwig Weber est un Daland très timbré, pas toujours élégant dans le bas-médium, ce qui fonctionne assez bien avec la vulgarité du personnage. Josef Traxel offre une couleur exquise au Steuermann, un chant nuancé et parfois même sensuel, une conduite exemplaire de la voix qu'il sait user également dans ses mixités les plus subtiles. Wolfgang Windgassen est évidemment un Erik immense, la rondeur du timbre et la puissance de l'organe campant un personnage inquiet et malheureux plus qu'antipathique ; son chant a tellement de personnalité que le couple Senta / Erik existe bel et bien avant que le Hollandais n'arrive. Son dernier duo avec Senta est une merveille, l'affirmant attachant et humain. L'expressivité exacerbée du Hollandais de Hermann Uhde n'a d'égale que son évidente vaillance. Dans sa complainte, le rôle-titre finit par hurler sa souffrance d'une voix possédant une réserve qui permet de ne jamais tendre l'aigu. Lorsqu'il rencontre Senta, il implore : c'est déchirant. Et si le grand duo est d'un lyrisme formidable, le duel avec Erik est palpitant ! Enfin, dans un chœur féminin sans grande vie (Acte II), la Senta de Astrid Varnay survient comme une leur d'espoir. Confort, vaillance, velours, expressivité, inspiration : voilà sans doute la meilleure Senta de l'histoire du disque. Libérant un organe hors proportion dans la fureur, se montrant capable d'une exquise onctuosité lorsqu'elle tente d'apaiser Erik, par exemple (Acte II), Varnay est bouleversante de bout en bout.
AB