Chroniques

par katy oberlé

récital Sonia Prina, Luan Góes et Les Furiosi Galantes
Bononcini, Händel, Legrenzi, Porpora, Scarlatti, Vivaldi, etc.

1 CD Indésens Calliope Records (2023)
IC 030
Fort beau récital baroque du contralto Sonia Prina et du contreténor Luan Góes

Quatre duos et neuf airs, dont cinq assurés par le contreténor brésilien Luan Góes et quatre autres par le contralto italien Sonia Prina, enfin cinq pages instrumentales constituent ce récital que les artistes ont intitulé Dolce Pupillo, « ode aux professeurs et à l’enseignement » tel qu’il put être dispensé en Italie comme « preuve d’amour et de générosité » durant la période baroque (nous empruntons au texte de Luan Góes, qui introduit la notice de ce CD). Enregistré en l’Église Saint-André de Sauveterre (été 2022), par l’ensemble Les Furiosi Galante sous la direction du chanteur lui-même qui y invitait « mon dernier maître et mentor, à qui je dois beaucoup dans mon cheminement » – Sonia Prina, vous l’aurez déjà compris, grande artiste que l’on ne présente plus [lire nos chroniques de Farnace, Vespri per l’Assunzione di Maria Vergine, Orlando finto pazzo, Orfeo, Stabat Mater, La pietra del paragone, Ezio, Alcina, Anna Bolena, Rinaldo, Partenope, Catone in Utica, Giulio Cesare in Egitto, La grotta di Trofonio et Dorilla in Tempe] –, ce programme fait voyager l’oreille de Naples à Venise en passant par Rome… mais aussi par Düsseldorf, Dresde et Vienne pour quelques opus des Italiens Agostino Steffani, Antonio Lotti et Giovanni Bononcini, et par Londres quant à ceux de leur continuateur saxon installé en Albion, Georg Friedrich Händel. Opéra, oratorio, concerto, ouverture (sinfonia) et même sonate sont les genres musicaux que traverse ce beau parcours.

Nous apprécions la chaleur de timbre de Luan Góes dans un extrait de la partie de Ruggero d’Alcina (Händel), délicatement respiré et où charme un grave précis, ainsi que dans l’air Lumi, potete piangere (Steffani, La divisione del mondo) dont le chromatisme dolent est idéalement rendu. Du même compositeur, l’air tiré de Tassilone révèle une sensibilité évidente qui donne envie de découvrir le contreténor sur scène dans une incarnation d’importance. Gelido in ogni vena (Vivaldi, Farnace) vient confirmer cette bonne impression, le morceau d’entrée, tiré de Germanico in Germania de Nicola Porpora, Empi se mai disciolgo, révélant une agilité satisfaisante.

Les duos ont été choisis dans le Giulio Cesare in Egitto d’Händel, soit la tendresse entre le fils, Sesto, et Cornelia, la mère, très émouvante ; dans Il Giustino de Giovanni Legrenzi, plus doux encore ; ou dans l’Aimahaide de Bononcini, vraiment spectaculaire de virtuosité. Si les plages purement instrumentales jouissent d’une exécution louable, on notera encore les prestations superlatives du bassoniste Nicolas Mary et du hautboïste Beto Caserio tout au long de ce CD. Enfin, c’est un grand plaisir de retrouver Sonia Prina en solo, qui magnifie Discordi pensieri puisé dans Teofane d’Antonio Lotti : la subtilité du chant est indubitable. Voilà qui contraste résolument avec Furibondo spira il vento, air haletant de la Partenope d’Händel, dans une réalisation qui laisse pantois. L’élégance simple d’Augelletto finchè stretto nel suo carcere (Bononcini, sérénade Proteo sur Reno) séduit, quand le confort extraordinaire de Dormi o fulmine di guerra, venu de l’oratorio La Giuditta d’Alessandro Scarlatti, rivalise de délices.

On ne s’en lasse donc pas !

KO