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Chroniques
récital Les Sacqueboutiers
The Cries of London (1599-1615)
« Voulez-vous de l'herbe à scorbut ? Balais à vendre, très beaux balais ! Un coussin, un couvercle pour une chaise percée ! » Avec ses deux cent mille habitants, Londres devient le cœur politique et économique de l'Angleterre des années 1600. Marchands et commerçants prospèrent dans une cité qui doublerait sa population au siècle suivant. Le bétail, le poisson, la farine convergent vers les halles de la ville, puis gagnent bientôt les quartiers voisins et la Tamise gelée en hiver. Cette animation est marquée par les cris des vendeurs ambulants, maraîchers, charlatans divers qui seront en activité du Moyen Âge jusqu'à la révolution industrielle du XIXe siècle. Afin de se faire remarquer du chaland, et pour se distinguer des autres colporteurs, chaque corporation utilisait un motif vocal facilement identifiable – souvent de courtes cellules mélodiques.
Au XIIe siècle, à la Renaissance ou sous le règne élisabéthain, les compositeurs successifs s’inspirent de cette sonorité urbaine si typique. S'emparant de ces formules pour les combiner, ils parviennent à un résultat propre à amuser l'auditeur. Le procédé n'est pas qu'anglais, puisqu'on connaît Les cris de Paris de Clément Janequin (v.1485-1558), ou encore la vogue du quodlibet en Allemagne, mais les musiciens d'outre-Manche œuvrent différemment : à la technique du quodlibet qui propose simultanément des chansons d'origine variée, ils choisissent de faire entendre différentes voix à tour de rôle. Une musique raffinée, fruit des milieux cultivés de la cour, contraste agréablement avec la ligne mélodique d'un chant immobile ou schématique.
Spécialistes de la musique du XVIIe depuis déjà un quart de siècle, Les Sacqueboutiers font à nouveaux retentir leurs instruments de prédilections : le cornet et la sacqueboute. Six chanteurs se joignent à cette aventure londonienne, malheureusement peu à leur avantage sur certains des cinq morceaux chantés (voix en retrait, diction brouillonne, etc.). La succession d'une trentaine de morceaux assez courts, de compositeurs anonymes ou familiers (Orlando Gibbons, Thomas Weelkes, Matthiew Locke, etc.), est assez déstabilisante : on change souvent d'univers et l'émotion ne nous ravit guère. Malgré ce syndrome compilation, il faut saluer la grande musicalité des instrumentistes.
SM