Chroniques

par laurent bergnach

Mikel Urquiza
pièces pour ensemble

1 CD L’empreinte digitale (2022)
ED 13263
L'Ensemble C Barré joue six pièces de Mikel Urquiza (né en 1988)

Né à Bilbao en 1988, Mikel Urquiza a étudié la composition à Musikene, l’École Supérieure de Musique du Pays Basque (Saint-Sébastien, Espagne), avec Gabriel Erkoreka et Ramon Lazkano, puis au CNSMD de Paris avec Gérard Pesson. Actuellement, il écrit une thèse sous la direction de Laurent Feneyrou, Stefano Gervasoni et Francesca Alberti, mais la composition l’occupe tout autant, comme le prouve cette monographie regroupant six pièces conçues entre 2017 et 2022.

En lien avec les racines du trentenaire, la plus ancienne porte un nom basque : Elurretan (Lançon-Provence, 2017), ce qui se traduit par Dans la neige. Cette première collaboration avec l’ensemble C Barré – en charge de la présente gravure sous la direction de Sébastien Boin [lire notre critique du CD Frédéric Pattar] – réunit trois instruments à cordes (mandoline, guitare, harpe) en exploration de trois sections variées. La même année, une autre commande de C Barré permet la naissance d’un nouveau trio instrumental (saxophone soprano, accordéon, percussions) auquel s’ajoute une voix de soprano. Pour concevoir les quatre parties de More sweetly forgot… (Nicosie, 2017), inspirées par la poésie de Sappho (née vers 630 av. J.-C.), Urkiza s’appuie sur la traduction de la Canadienne Anne Carson qui respecte les lacunes du texte original – seuls des fragments de ces vers furent conservés, que plus aucune musique n’accompagne désormais, à moins de l’inventer –, préférant le vide à des liens artificiels entre les mots sauvés du néant.

Elle aussi en quatre parties, Songs of Spam (Stuttgart, 2020) réunit six voix mixtes et sept musiciens (clarinette, saxophone, accordéon, mandoline, guitare, contrebasse, percussions). Les mots chantés par les Neue Vocalsolisten s’inspirent de ceux que chacun peut trouver dans le dossier spam de sa messagerie électronique, agrégat de messages détestables qui cherchent à intimider, à manipuler leur destinataire à l’aide de mensonges, voire de menaces mais surtout, la plupart du temps, à lui vendre quelque chose de force. Pour le compositeur, il ne fait aucun doute que la publicité est un mécanisme de contrôle mental dont la dénonciation est acte de résistance. Portant, un titre qui fait référence au recueil de Cesare Pavese, Lavorare stanca (Paris, 2021), se veut un hommage à tous ces travailleurs dont les efforts sont invisibles, y compris les musiciens dont la virtuosité dans l’instant du concert fait oublier les heures de concentration éreintantes nécessaires à un tel résultat. Il est conçu pour douze instrumentistes, avec quelques triangles et rossignol à eau.

Avant de rassembler six portions, Cancionero sin palacio (Marseille, 2021) fut d’abord une pièce unique destinée à compléter Lavorare stanca auquel il manquait une minute de musique pour répondre idéalement à une nouvelle commande de C Barré. Issu d’un recueil de la Renaissance espagnole invitant au plaisir et à la détente, cet opus fut transcrit pour le même effectif – en toute logique, on le retrouve dans la version intégrale qui atteint le quart d’heure. Urquiza précise qu’il a soumis les pages originales à « un dédoublement constant de leurs signes acoustiques et poétiques » (site du compositeur). Pour finir, découvrons la pièce la plus récente, My voice is a password (Paris, 2023). Elle aborde, avec une ironie chère à son auteur, le problème d’un quotidien envahi par la technologie, au risque d’empêcher toute communication – are you a robot ?

On sort déçu de l’écoute de ce disque, d’où le choix de ne pas en détailler les étapes. Bien que le métier de Mikel Urquiza soit indéniable – approche intelligente et habile de l’artisanat musical –, cet art ambitieux mais peu revigorant, avec ses facilités proches du gag de luxe, peine à nous emballer. Mieux vaut garder le bon souvenir d’autres de ses œuvres, entendues en salle [lire nos chroniques du 23 janvier 2024, des 9 et 15 février 2020].

LB