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Chroniques
Einojuhani Rautavaara
Tietäjien lahja | Le don des Mages
Tietäjien lahja (Le don des Mages) est un opéra de Noël, composé par le Finlandais Einojuhani Rautavaara, et produit en studio pour la télévision. Inspirée d'une nouvelle de O. Henry (1862-1910), l'intrigue a été déplacée dans un quartier pauvre d'Helsinki, durant les années vingt, où se rencontrent « des loyers excessifs et des regards amers à chaque fenêtre ». Comme beaucoup de leurs voisins, Minna et Joël, un couple de jeunes mariés, ont peur d'être expulsés par Salomon, le propriétaire. Malgré de gros problèmes financiers, chacun veut témoigner à l'autre son amour, quitte à sacrifier ses propres besoins, démontrant que l'amour est tout à la fois –comme le chantera le perruquier – « une force noble et destructrice ».
Pas de drame, ni de misérabilisme ici, mais un conte de Noël coloré et touchant qui fleure la critique sociale, avec des chanteurs sonores, souple et nuancés – tels Pia Freund et Jaakko Kortekangas en amoureux crédibles –, corsés et expressifs – comme la reine de Saba composée par Anna-Lisa Jakobsson, qu'on croirait sortie d'un univers de Chostakovitch ou Janáček.
L'opéra n'excédant pas trois quarts d'heure, c'est sans peine qu'on se plonge ensuite dans le documentaire qui l'accompagne. Il nous permet de mieux connaître, si ce n'est de découvrir, Rautavaara, né en 1928, qui rêvait d'une vie de vendeur de tabac et s'annonce comme la sage-femme de sa musique. Accompagné d'images d'archives, le récit de l'artiste passe de la figure des parents à celle des nombreux professeurs qu'il a eus, puis à ses propres créations. Prenant conscience, avec le sérialisme, de l'importance de la structure, le musicien évoque ses œuvres pour le piano (Icones), le quatuor ou la voix (Cantus Arcticus ou Aleksis Kivi, son septième opéra, d'après la vie d’un compatriote du XIXe siècle, considéré comme le père de la littérature finnoise).
À l’instar de Vladimir Ashkenazy qui lui a commandé un 3ème Concerto pour son instrument, l'homme est sensible au mystère de la vie, à l'atmosphère, à l'ésotérique. Il analyse la figure de l'Ange, du mandala (andidote du chaos, selon Jung) et rappelle qu'il a porté, parmi d'autres, le cercueil de Sibelius, lors des obsèques de 1957. Olli Mustonen et Markus Lehtinen, anciens élèves, interviennent pour compléter ce portrait. On regrettera juste le flou autour des illustrations musicales de ce reportage au rythme si reposant.
LB