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Chroniques
Domenico Cimarosa
Gli Orazi e i Curiazi | Les Horace et les Curiace
Voilà un disque qui permettra de se faire une idée plus précise du classicisme italien. Seria, on se doute bien qu'avec un tel titre, cet ouvrage saura l'être, et parfois non sans une certaine lourdeur, annonciatrice de Rossini et surtout de la Norma de Bellini, tout en croisant des eaux jadis fréquentées par Haydn et Gluck. Moins inspiré qu'avec son fameux Matrimonio segreto qui avait connu un succès retentissant à Vienne, Domenico Cimarosa compose Gli Orazi e i Curiazi pour Venise cinq ans plus tard, le 26 décembre 1796 ; la tragédie, d'une facture assez austère, construite sur un livret d'une grandiloquence surfaite, resterait un échec. Pourtant, à l'écouter, on découvre un jalon dans l'histoire de l'opéra, une étape intermédiaire dans le traitement de l'orchestre entre la richesse classique et la pauvreté des belcantistes qui séviraient sur le sol italien trois décennies après lui.
Le label Urania nous restitue un enregistrement effectué au printemps 1952 par la Rai qui avait fait confiance à un chef encore peu connu et qui allait devenir l'un des plus grands de l'après-guerre, Carlo Maria Giulini. Dès l'ouverture, ce dernier sert la résurrection de l'opéra – qui fit l'objet de plusieurs productions dans les vingt premières années du XIXe siècle, notamment à Trieste – par une lecture tonique. Développant un art de la nuance discret et toujours sagement contrit dans certaines proportions, sa conduite s'avère d'un bout à l'autre très pertinente. En revanche, on sera moins enthousiaste en ce qui concerne le Chœur, imprécis, souvent incompréhensible, peu professionnel.
Autre surprise : on ne sait pas bien quelle version du livret a été choisie pour l'occasion. On en connaît officiellement trois, et il semble bien qu'on en ait mijoté une sorte de ragoût ; sans compter des coupures et des inversions parfois surprenantes. La distribution vocale est dominée par l'excellence du Curiazio de Giulietta Simionato, un rôle prévu à l'origine pour un castrat, et bénéficiant ici de la voix envahissante, du timbre très présent, d'une des plus grande chanteuse de l'époque. Aujourd'hui, peut-être imaginerait-on de confier cette partie à un contreténor ; autant dire qu'alors, l'idée n'en venait à personne, et tant mieux, puisque l'orchestre n'es pas traité de manière à supporter des voix plus légères. On remarquera également Renata Broilo en Sabina, dans un style certes un peu vieilli, mais usant d'un chant fort bien construit. L'Orazia de Angela Vercelli est plutôt claire ; Tommaso Spataro est un Marco vaillant, bien qu'instable à plusieurs reprises, qui sait se rattraper dans le dernier acte. Les rôles secondaires ne sont guère convaincants, ce qui est moindre mal, si ce n'est Leonard Wolovsky donnant un Augure d'une grande classe.
BB