Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Liya Petrova (violon) et Adam Laloum (piano)
Ottorino Respighi, Claude Debussy et Richard Strauss

Concerts du dimanche matin / Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 30 mars 2025
Ottorino Respighi, dont Liya Petrova et Adam Laloum jouent la Sonate (1917)
© dr | portrait de respighi par carlos alberto

Trois sonates sont au menu de ce dimanche matin, avenue Montaigne. La violoniste Liya Petrova et le pianiste Adam Laloum ouvrent la danse avec celle que le compositeur bolognais Ottorino Respighi écrivit en 1917 et que créèrent Arrigo Serato et Alessandro Longo au début de l’année suivante, à Naples. Son Moderato est ici suavement articulé par un violon éperdument lyrique. Au piano, l’artiste n’engage pas son jeu dans un phrasé superfétatoire… tout en phrasant subtilement, toutefois. Au mouvement est ménagé une dynamique qui s’appuie plus sur une tradition classique d’interprétation romantique, héritée de Brahms, que sur la contemporanéité de Respighi, à laquelle ce dernier a d’ailleurs tourné le dos, plus ancré qu’il était dans les anciennes factures. Une demi-teinte un rien carillonnante cisèle, dolcissimo, l’Andante espressivo médian de cette Sonate en si mineur P.110, à peine contredite, ensuite, par une véhémence un peu heurtée, de part et d’autre. À la Passacaglia drument construite (Allegro moderato ma energico) est accordée, pour finir, la robustesse requise, déterminée mais toujours précisément musicale.

Nous restons en temps de guerre, puisque c’est en 1916 et 1917 que Claude Debussy composa, lui aussi, sa Sonate en sol mineur, créée à la salle Gaveau au printemps par le compositeur lui-même et le violoniste Gaston Poulet. Elle est la dernière des trois sonates françaises de Debussy, engagé en musique contre la manière allemande d’en écrire. Aussi Liya Petrova et Adam Laloum ne se contentent-ils pas de laisser voguer leur approche sur une vague de joliesse salonarde : sous leurs mains, l’Allegro vivo affirme un caractère tour à tour revêche et doloroso. Indiqué Fantasque et léger, ils font bondir l’Intermède en d’instables facéties, conclues par une savoureuse arabesque. Très animé, le Finale virevolte par-delà tout danger, les interprètes en soulignant avec une indicible habileté la folle effervescence qui dialogue avec une inflexion plus sensuelle. L’inventivité dynamique de leur lecture s’inscrit judicieusement dans l’époque de l’œuvre.

À l’automne 1888, sous l’archet de Robert Heckmann accompagné par Julius Buths, la Sonate en mi bémol majeur Op.18 de Richard Strauss, composée de juin à novembre 1887, voyait le jour à Munich. Elle est dédiée au chimiste Robert Pschorr, cousin de la maman de Strauss (la famille de la célèbre brasserie bavaroise Pschorr). Il s’agit donc de l’œuvre d’un musicien de vingt-trois ans, auteur d’une vingtaine de Lieder qui venait d’achever la fantaisie orchestrale Aus Italien Op.16 et travaillait au poème symphonique Don Juan Op.20. C’est clairement l’univers du Lied qu’évoque la lecture de l’Allegro ma non troppo par Liya Petrova et Adam Laloum, plus prononcé encore dans l’Andante cantabile, ici livré dans une fraîcheur méditative parfois caressée par une mélancolie qui jamais ne s’installe. Introduit par un Andante sombre comme une farce gamine, le Finale élance bientôt son fantasque Allegro tel le fougueux appel du Rosenkavalier qui pourtant naîtrait plus de deux décennies plus tard. Nourris par une endurance remarquable, l’éclat et le brio sont au rendez-vous !

BB