Chroniques

par irma foletti

Other and short operas
A little Midsummer night’s dream (Britten), Il viaggio a Reims (Rossini)

et Der Zwerg (Zemlinsky) en réduction
Wexford Festival Opera
- 24 et 25 octobre 2025
Trois opéras en versions réduites au Wexford Festival Opera 2025...
© pádraig grant

Comme les années précédentes, en plus de ses trois grandes productions lyriques proposées en soirée à la National Opera House (O’Reilly Theatre), le Wexford Festival Opera (WFO) met à l’affiche d’autres pages, proposées au public dans des petites formes et généralement dans d’autres lieux. En assistant à Gianni Schicchi il y a deux ans [lire notre chronique du 4 novembre 2023], nous avions connu le lieu atypique du Grain Store at Stonebridge, vaste bâtiment historique ayant servi de magasin à céréales dans une vie précédente. Nous y sommes de retour, cette fois pour A little Midsummer night’s dream, une version raccourcie du chef-d’œuvre de Benjamin Britten dont il subsiste une petite heure et demie de musique. L’expérience est à nouveau marquante.

Moins agitée que pour l’opus puccinien (où les spectateurs devaient régulièrement courir d’un lieu à l’autre), on peut réellement parler d’une représentation immersive où le public, en nombre limité, est réparti sur les deux côtés d’une longue pièce, réservant un vaste espace de jeu au centre. Le Puck survitaminé de Peter McCamley en profite pour piquer quelques sprints spectaculaires sur la pelouse, dans une ambiance féerique de guirlandes de fleurs et petites lumières multicolores. La musique est très bien rendue au piano par Christopher Knopp et l’on apprécie le formidable travail d’équipe des artistes, jeunes et talentueux solistes et choristes amateurs réunis – en particulier le contre-ténor Adam McDonagh (Oberon), le baryton David Kennedy (Demetrius), le ténor Rory Lynch (Lysander) et encore plus le sombre mezzo Valeria Gorbunova (Hermina) et le soprano Ami Hewitt (Helena), cette dernière dotée de la pureté des héroïnes de Britten, Ellen Orford en tête.

Tel que démontré par le Rossini Opera Festival de Pesaro avec son Accademia rossiniana, Il viaggio a Reims [photo] et sa quinzaine de rôles à distribuer est l’opus idéal pour donner une chance à un grand nombre de jeunes chanteurs qui se lancent dans la carrière. Profitant du bicentenaire de la création de l’ouvrage – en 1825 pour le couronnement de Charles X, à Notre-Dame de Reims –, le WFO fait entrer l’ouvrage à son répertoire, qu’il fait défendre aux artistes de la Wexford Factory, structure qui offre un soutien professionnel et financier aux jeunes chanteurs, pianistes et metteurs en scène. C’est toutefois la metteure en scène Rosetta Cucchi, directrice artistique du festival, qui réalise la nouvelle production [lire nos chroniques d’Adina ovvero Il califo di Bagdad, Otello, La Ciociara et L’Italiana in Algeri]. Le lieu de l’action, soit l’Hôtel du Lys d’or à Plombières-les-Bains (dans le livret), est ici mentionné en grandes lettres lumineuses sous l’appellation IL GIGLIO D’ORO – CLINIC. Les pensionnaires de l’établissement ne paraissent pas tous très nets, entre Madame Cortese sujette à des tics nerveux, Melibea qui promène inlassablement un chien invisible, Don Profondo fasciné, voire ensorcelé, par son petit globe terrestre ou encore Trombonok qui dirige la musique avec une baguette pendant toute la représentation. Cette vision psychiatrique se confirme à la conclusion quand un médecin, et non Charles X, vient examiner les patients.

Du point de vue musical, la partition est réduite à une durée d’une heure et quarante-cinq minutes, coupant environ trente minutes, aussi bien dans les récitatifs que dans les airs. L’effectif orchestral, placé sous la direction de Manuel Hartinger, est également réduit, donnant des résultats variables suivant les moments, parfois réussis mais avec des séquences où l’épaisseur instrumentale fait défaut. Forooz Razavi est une Madame Cortese surtout puissante, tandis que la Folleville de Jane Burnell, pas du tout farouche envers les hommes, développe des vocalises le plus souvent déliées, parfois un peu plus prudentes. La Corinna baba cool de Laura Aherne chante son grand air assise en tailleur, pétard à la main ; elle est un soprano d’une bonne musicalité, mais plus fragile aux deux extrémités du registre. La Melibea de Valeria Gorbunova impressionne par un timbre somptueux de mezzo aux graves profonds. Yu Shao est un Belfiore drôle et vocalement très fiable. Son confrère ténor Sean Tester projette avec force la partie de Libenskof, paraissant moins à l’aise dans les passages d’agilité. Le problème de souplesse vocale s’accentue pour le Sidney d’Aqshin Khudaverdiyev, doté d’un beau timbre mais en grande difficulté pour la vocalise. L’autre basse, Ihor Mostovoi en Don Profondo, conduit avec goût le grand air Medaglie incomparabili, d’une voix plus fragile sur la partie la plus aiguë. Beau succès collectif, avec une mention particulière pour l’espiègle flûtiste (air de Lord Sidney) et la harpiste (airs de Corinna) qui viennent jouer sur scène leurs difficiles soli.

Donné en anglais sous le titre The Dwarf, Der Zwerg d’Alexander von Zemlinsky est représenté dans la plus petite salle du Jerome Hynes Theatre, en sous-sol du bâtiment de la National Opera House. La mise en scène de Chris Moran est contrainte par les entrées et sorties successives des personnages, possibles par la même porte qu’utilise le public pour accéder aux fauteuils. Et ce sont surtout les excentriques costumes de Lisa Krügel qui marquent, par rapport à ses décors très réduits. La grande originalité de cette production est le traitement du personnage du Nain, sans aucune difformité et plutôt beau garçon d’ailleurs, alors que les autres personnages sont drôlement grimés et plutôt repoussants. Quelques projections vidéos accompagnent la réalisation, certains textes en situation traités avec humour, ou encore des bribes du film Die Nibelungen de Fritz Lang quand la musique se fait wagnérienne. Celle-ci est joué au piano par Christopher Knopp, signant un accompagnement équilibré avec les voix. Dans le rôle-titre long et tendu, le ténor Charne Rochford se montre vigoureux et pousse sa voix, parfois à la limite. En Infante Clara, Eleri Gwilym est puissante mais livre un timbre assez anguleux. On lui préfère la plus agréable Ghita de Charlotte Baker, voix ferme et ronde, tandis qu’en Chamberlain Don Estoban Ross Cumming fait valoir un bel instrument, toutefois limité dans le grave.

IF