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Chroniques
Orchestre Symphonique de la Radio de Stuttgart
Hanspeter Kyburz | Malström
Nous retrouvons samedi Musica avec un concert que l’on pourrait dire médian, puisqu’il rassemble une œuvre de chacun des deux compositeurs à l’honneur cette année, Kyburz et Stockhausen.
Investissant toutes les possibilités de la ville, Musica réquisitionne ce soir une patinoire afin d’accueillir un orchestre distribué en quatre groupes, ce qui n’est guère réalisable dans une salle traditionnelle. En termes d’espace, l’idée n’est pas inintéressante. Pour l’acoustique, c’est une autre histoire. Des quatre groupes, on récupère surtout les graves au centre, les aigus se perdant dans les hauteurs. L’impression d’être très éloigné des sources sonores va à l’encontre de l’enveloppement auquel on pourrait s’attendre. Indéniablement, cet espace est trop ouvert, si bien que l’écriture de Karlheinz Stockhausen [photo] y paraît parcellaire.
Outre par de mauvaises conditions physiques, Carré se trouvé désavantagé par une interprétation raide et des tempi trop lents. On comprend mal un tel choix – si c’en est un et non une contingence avec laquelle on fait ce que l’on peut – qui ne fait que renforcer le statisme de l’œuvre et annule l’utilité même d’une répartition en quatre groupes. Aucune sensation d’encerclement, pas de perception des échanges, des répons et des miroirs ; bref : à quoi bon ? Ainsi se découvre-t-on extrêmement déçu par une pièce qui nous avait fasciné en février 1995 (Cité de la musique, Paris). Parlons musique au lieu d’acoustique, pourrait-on objecter : précisément, la musique n’est pas perçue de manière suffisamment satisfaisante pour qu’on en parle. Reconnaissons les compétences des instrumentistes de l’Orchestre Symphonique de la Radio de Stuttgart, et supposons à l’égal de sa réputation et du souvenir qu’on en garde le talent de son Vokalensemble qui ne nous est pas inconnu.
En seconde partie, nous écoutons Malström de Hanspeter Kyburz.
Cette œuvre de 1998, donnée ici en première audition française, semble essentiellement reposer sur un beau savoir-faire qui réalise des effets brillants. On ne peut se faire une idée valable du traitement des groupes d’orchestre, mais l’écriture en paraît plus équilibrée que celle du Concerto entendu la semaine dernière [lire notre chronique du 27 septembre 2003]. L’incongruité du dernier accord de percussion initialise la Tempête plutôt que de nous en faire sortir.
Au centre de l’espace le compositeur, toujours attachant avec son air d’être né de l’avant-veille, les yeux écarquillés, le sourire facile et enfantin jusque dans son inquiétude, est venu expliquer, d’un dire rapide et nerveux, sa démarche. La disposition de l’orchestre permet de mieux ravir l’auditeur pour le précipiter dans le maelström, courant tourbillonnant bien connu des côtes norvégiennes qui engloutit tout vaisseau qui le rencontre. Il y a plusieurs manières d’appréhender la tempête. Le peintre Turner entendit la percevoir de l’intérieur, la vivre en s’accrochant au mat d’un bateau au plus fort du déchaînement. Edgar Poe l’a imaginée par le récit d’un homme voyant un vaisseau en train de sombrer, donc de l’extérieur, en spectateur du drame. L’un cherche à comprendre, l’autre à expliquer. Le compositeur entend rendre compte de ces deux points de vue, ce pourquoi il a recours à quatre ensembles instrumentaux (jouant ainsi précisément sur les distances de la perception). Par ailleurs, il affirme qu’il lui fallut séparer son orchestre en quatre afin de mieux faire sonner une écriture extrêmement dense qui risquait, dans le resserrement d’une seule source d’émission, de se ternir ; « ce ne serait que gris... », précise-t-il. Après ces quelques éclaircissements, Malström est joué une seconde fois : cette redite révéler plus encore l’utilisation de bonnes recettes dans un contexte somme toute assez pauvre.
BB