Chroniques

par bertrand bolognesi

Orchestre du Conservatoire dirigé par Florent Didier
Ayano Kamei, piano – Blaise Cardon-Mienville, saxhorn

Suzanne Giraud, Arnau Gran i Romero, Florent Schmitt et Igor Stravinsky
Conservatoire national supérieur de musique et de danse / Paris
- 7 novembre 2025
Florent Didier dirige l’Orchestre du Conservatoire
© dr

Sous la direction précise de Florent Didier [lire notre chronique du 23 janvier 2024], l’Orchestre du Conservatoire s’empare, en la salle Rémy Pflimlin du CNSMD de Paris, d’un programme pour vents où la curiosité musicale l’emporte sur le confort d’écoute.

C’est Florent Schmitt qui ouvre la soirée avec Les Dionysiaques Op.62. Composée entre 1913 et 1915, cette symphonie pour orchestre d’harmonie affiche un effectif spectaculaire – il comprend un pupitre complet de saxhorns, d’une rareté notoire – et une ambition manifeste. Malheureusement, à vouloir évoquer les fêtes dionysiaques, Schmitt, qui pille les écuelles de Dukas comme de Stravinsky et même de Rimski-Korsakov, s’enlise dans la grandiloquence : la pompe et le clinquant mènent au tapage décoratif, jusqu’à l’indigestion. Utile d’un point de vue pédagogique, l’œuvre ne séduit guère et son kitsch barnum laisse une impression de vulgaire gueule de bois plus que de rituel bacchique.

Changement de climat avec Décision / Indécision de Suzanne Giraud [lire nos chroniques de Épisodes en forme d'oubli et du Vase de parfum], œuvre d’un tout autre raffinement. Composée en 1999, cette pièce que la compositrice dédie malicieusement à son chat, venu jouer avec ses crayons pendant le travail d’écriture, témoigne d’une réjouissante inventivité de timbre. Trois sections s’y enchaînent : d’abord un mouvement rapide, énergique, qui plonge au cœur du souffle et du grain ; puis une partie lente, chaloupée, riche en micro-tensions ; enfin les fameuses « cabrioles du chat », dit l’artiste, une humoresque finale où l’espièglerie de l’animal s’allie à la rigueur d’écriture. Précise sans ostentation, l’instrumentation fait la part belle aux couleurs et révèle la main d’une créatrice dont jamais la poésie ne renonce à la structure.

La page suivante à ce programme, Silence durci d’Arnau Gran i Romero, est donnée en création mondiale. Né en Catalogne en 2001, le jeune compositeur signe une œuvre dense et cohérente. Le soliste, Blaise Cardon-Mienville, s’y voit livrer tout un champ de résonances progressivement relayé par percussions et contrebasses. On y perçoit une écriture post-spectrale, patiente et tendue, où la matière sonore se déploie en sûre architecture. Gran i Romero parle de « tension intérieure qui devient extérieure » ; l’idée fait ici sens, la musique se resserrant, s’épaississant en grondement, jusqu’à un éclat final d’une maîtrise impressionnante. Entre technique et imagination, le musicien, dont déjà nous avions apprécié Songs to be burnt n°4, s’impose comme l’une des signatures prometteuses de la scène contemporaine [lire notre chronique du 22 mars 2024].

En seconde partie, Ayano Kamei, pianiste japonaise formée à Tokyo puis à Paris, honore le Concerto pour piano et instruments à vent de Stravinsky. Son jeu clair et nerveux, toujours attentif au dialogue orchestral, sert avec élégance l’âpreté jubilatoire de cette partition cubiste.

BB