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Chroniques
New York Philharmonic Orchestra
et son jeune directeur musical Alan Gilbert
La venue à Paris d’un orchestre nord-américain constitue toujours un événement. Plus encore, sans doute, lorsqu’il s’agit du New York Philharmonic. Surtout en ces temps de crise économique qui occasionnent l’annulation de nombreuses tournées. L’illustre phalange new-yorkaise s’est produite pour la première fois à Paris avec son jeune directeur musical, Alan Gilbert, que d'aucuns comparent à Leonard Bernstein... à tort. Car, ce chef de quarante-deux ans, connu depuis plus d’une décennie à Paris où il a dirigé l’Orchestre de Paris puis le Philharmonique de Radio France, pour être new-yorkais n'a assurément rien de Bernstein. Le successeur de Lorin Maazel à la tête du NYPO est, en effet, tout en retenue, en force intérieure, en gestes massifs, là où l’aîné était toute fougue, grâce et chorégraphie. La maîtrise, la mise en place, le rythme, la dynamique sont inattaquables. L'étoffe d'un grand maître, assurément. Mais héritier de Bernstein, nenni. S’il s’en trouve un, c’est indubitablement le Vénézuélien Gustavo Dudamel.
La disposition du Philharmonique de New York sur le plateau de Pleyel est à plat, contrebasses derrière les premiers violons, ces derniers ayant les violoncelles pour voisins, les seconds violons à droite, et, contrairement à la tradition germano-américaine, les trompettes sont à pistons. Dans un programme courant du XVIIIe au XXIe siècles, la Symphonie n°49 « La Passion » que Joseph Haydn a composée en 1768 est apparue monochrome, épaisse, sans élan, The Wound Dresser (Les soins aux blessés, 1988) de John Adams léthargique et sans intérêt, malgré l'immense Thomas Hampson, artiste en résidence de l’orchestre, et la superbe trompette solo Philip Smith –à l’instar de Boulez voilà une quarantaine d’années avec ce même orchestre, Gilbert fair dans une large place à la musique de notre temps sa programmation (il est l’initiateur de l’actuelle résidence du compositeur finlandais Magnus Lindberg).
En ouverture de seconde partie, après une éclipse éclair du cor solo pour demander à ses collègues de cesser de s’échauffer bruyamment dans la coulisse, la Symphonie n°8 « Inachevée » (1822) de Franz Schubert s’avère plus nuancée que les deux œuvres précédentes, mais un peu grise, tandis que les bois exaltent des sonorités enchanteresses. Les Trois pièces pour orchestre Op.6 (1914) d’Alban Berg concluent sur une interprétation de braise, sensuelle et expressive à souhait, suscitant un cumulus de sons aux couleurs féeriques, un rai de lumière brûlante, autant dans l’architecture et la dynamique que dans la palette de timbres et dans la transparence d’un orchestre pourtant singulièrement étoffé. Deux bis dans la même transcendance : l’ouverture d'Egmont de Beethoven, dramatique, et Valse triste de Sibelius, sans pathos.
BS