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Chroniques
Liszt, Berlioz, Weber et Beethoven
Chœur Britten, Les Siècles et François-Xavier Roth
Autre duel au sommet : celui du château et son auditorium de quasi plein-air. Liszt d’un côté, avec sa Dante Symphonie pour chœur et orchestre, Berlioz de l’autre, avec Tristia Op.18 pour chœur et orchestre. D’une part, un assemblage de pièces dissemblables, d’un intérêt vraiment inégal, avec pétaradants coups de mousquets voulus par Monsieur Hector, sans doute pour réveiller des mélomanes un rien assoupi (Tristia). Puis une page s’inspirant de la Divine Comédie, copieux assemblage de sonorités explorant le monde des univers sonores, où le dessin des cordes le dispute adroitement aux mélismes scintillants des bois et aux élans rutilants des cuivres (Dante Symphonie). Bref, une page conventionnelle dans la provocation face à une belle fresque du plus bel effet à laquelle des projections de fragments picturaux pseudo-dantesques n’ajoutent vraiment pas grande chose…
Reste, heureusement, la qualité des interprétations. D’abord celle développée par la direction de François-Xavier Roth, soucieuse du détail, experte dans l’art des assemblages et des dosages sonores, obtenant une osmose parfaite entre les instruments et les voix. Ensuite, la musicalité, la vigueur mais aussi la précision des divers pupitres de l’orchestre Les Siècles. Enfin, la belle eau des voix réunies au sein du Chœur Britten et dirigées avec art par Nicole Corti, sa fondatrice, fédératrice et animatrice d’excellence. Le Jeune Chœur Symphonique, mixte, que la cheffe lyonnaise vient de créer, ajoute une touche bienvenue à cette belle prestation chorale. On l’aura compris, Liszt l’emportait une nouvelle fois en terre berliozienne.
Hector Berlioz adorait Der Freischütz de Weber au point d’en avoir signé l’adaptation française [lire notre chronique du 9 avril 2011]. L’Ouverture de l’ouvrage reste un grand classique, signal de départ de l’école romantique allemande et… le prélude de bien des soirées de concert, comme c’est le cas au Festival Berlioz, jeudi soir, qui reçoit, en voisin, l’Orchestre des Pays de Savoie. Un choix aussi heureux que judicieux, s’il est vrai que la qualité des divers pupitres de la formation savoyarde, en nette progression, est comme ordonnée, coordonnée, magnifiée par la direction, elle aussi en positive évolution, développée par son nouveau chef Nicolas Chalvin [photo]. Des mystères planant sur l’introduction, jusqu’aux fameux éclats de l’éclatante péroraison, la plus parfaite cohésion règne entre les uns et l’autre.
On en dira autant du fameux Concerto en mi bémol majeur Op.73 n°5 de Beethoven qui s’ensuit. Visiblement soigneusement répété, préparé, mis au point, peaufiné, L’Empereur bénéficie de la clarté des bois (les bassons, en particulier), du soyeux des cordes et de la direction du jeune maestro. Il est vrai que François-Frédéric Guy défend avec vaillance, musicalité, élans et délicatesses soigneusement dosés la partie soliste, sans excès languissants dans le mouvement médian ni virtuosité racoleuse dans le finale.
On aimerait pouvoir en dire autant de l’interprétation de la Symphonie en fa majeur Op.93 n°8 du même Ludwig, concluant la soirée (toujours en présence du fameux ronflement de projecteurs, label indiscret du lieu). Mais énergies et attentions se sont, semble-t-il, épuisées dans les deux pièces précédentes. La malheureuse « petite symphonie » n’a pas, il est vrai, l’ampleur des deux autres qui l’entourent, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut la traiter telle une piécette de salon, débitée par des instruments au jeu superficiel – ah, les cors ! –, l’expédier par une direction sans nuance. On n’y retrouve vraiment pas les beautés qui habitaient les deux opus devanciers. Dommage.
GC