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Chroniques
la Neuvième de Beethoven en guise d’au revoir
Christoph Eschenbach prend congé de l’Orchestre de Paris
Vraiment, tout aurait-il une fin ? Ce n'est pas si sûr… Deux soirées (du même programme) n'auront pas été de trop pour permettre au public de Pleyel de dire non pas adieu mais au revoir au chef allemand qui, depuis dix ans déjà, assume la direction artistique de l'Orchestre de Paris. Après quelques invitations à conduire la formation lutécienne, Christoph Eschenbach prenait ses fonctions en septembre 2000, défrichant un parcours qui, à travers Mahler ou Strauss, en passant par Zemlinsky, allait ancrer plus sensiblement encore le son de l'orchestre dans ses traditions, partant que furent ici à l'honneur Berlioz, bien sûr, mais aussi Wagner et le Ring du Théâtre du Châtelet (la première fois que l'OP donnait un Ring mis en scène). De fait, il n'est un secret pour personne qu'Eschenbach aime depuis toujours la musique du Français, et moins encore pour ses musiciens – osons chaleureusement dire ses musiciens, en ce soir de fête – qui, non sans émotion, lui offrent à l'issue du concert une lettre autographe du maître.
Les œuvres choisies ne surprendront pas : la Neuvième, assez évidemment, et, pour commencer, la Symphonie concertante (pour hautbois, clarinette, basson et cor) en mi bémol majeur K297b que Mozart composait à Paris (eh oui !) en 1778. Plutôt que d'accompagner quatre solistes internationaux venus faire le beau pour un soir, c'est avec ceux qui avec lui partagèrent la musique durant ces dix années que Christoph Eschenbach joue l'œuvre – vous rappelez-vous la complicité de quelques moments chambristes ?
Quel plus beau salut que de chanter une nouvelle fois Mozart ensemble !
À l'hautbois Alexandre Gattet, Pascal Moraguès à la clarinette, au basson Marc Trenel et André Cazalet au cor se lancent dans une exécution musclée, pourrait-on dire, de cet opus, offrant un certain relief aux échanges solistiques, mais aussi au dialogue avec le tutti pour lequel le chef a choisi une sonorité plutôt épaisse, idéale à soutenir quatre vents – il va sans dire qu'on ne construira pas le même son pour un concerto violonistique que pour une page comme celle-ci qui, de par sa nature même, interdit certaines finasseries de dynamique si l'on veut en assurer l'équilibre fragile. Dès l'Allegro, l'interprétation s'affirme cordiale, comme pour mieux laisser sourdre la tendresse de l'Adagio central. Annonçant à leur manière le monument qui occupera la seconde partie de la soirée, les variations du dernier mouvement bondissent, sans que la virtuosité de nos quartettistes déroge à une saine discrétion.
Après l'entracte, Eschenbach se lance dans la Symphonie en ré mineur Op.125 n°9 de Beethoven par un Allegro qu'il entend sévère jusqu'en son inflexion franchement dramatique, paradoxalement. Il contraste volontiers les phrasés en un geste toujours large, toujours soigneux du moindre détail. L'homogénéité des cordes s'avère des plus flatteuses, de même que la clarté des cuivres et, plus encore, la fiabilité et la richesse de couleur des bois. Grand punch du Molto vivace, offrant au fugato une fluidité magnifique d'autant soulignée, a posteriori, par la solide accentuation finale. L'Adagio survient alors, comme en apesanteur, d'abord étale, bientôt généreusement vibré, dans un grand élan lyrique.
Ces trois premiers mouvements laissent toutefois poindre la tendance bien connue de notre chef : imprimer une certaine vigueur dans les commencements et, peu à peu, se laisser prendre à une écoute qui s'alourdit jusqu'à distiller trop une articulation qui finit par s'y perdre. Mais voilà qu'arrive LE thème tant attendu, ici nourri d'une santé qu'on pourra dire rhapsodique. Christoph Eschenbach porte à un très haut niveau l'Ode bien connue, sachant la préserver de toute redondante solennité.
Pour l'occasion, l'Orchestre de Paris s'offre un quatuor vocal exceptionnel.
On retrouve la superbe de Franz-Josef Selig (basse), l'égalité remarquable de Christianne Stotijn (alto), la belle lumière de Melanie Diener (soprano) et, surtout, la clarté vaillante qui jamais rien ne force du ténor australien Steve Davislim. Le Chœur de l'Orchestre de Paris n'est pas en reste, loin s'en faut, dûment préparé par Didier Bouture et Goeffroy Jourdain.
Certes pas un adieu, disions-nous plus haut, mais assurément un au revoir puisque la première saison placée sous l'autorité de Paavo Järvi (dès septembre prochain) ménage quelques dates qui permettront à l'orchestre de retrouver Christoph Eschenbach qui, quant à lui, connaîtra bientôt de nouvelles aventures musicales à Washington.
BB