Chroniques

par emmanuel andrieu

Euryanthe
opéra de Carl Maria von Weber (version de concert)

Halle aux grains, Toulouse
- 24 janvier 2010
Rani Calderón joue Euryanthe, opéra de Weber, au Capitole de Toulouse
© patrice nin

Courageuse idée que de monter cet ouvrage encore méconnu de Carl Maria von Weber, ouvrage qui recèle des trésors instrumentaux et vocaux, mais également œuvre-clé dans l’histoire de l’opéra allemand qu’elle prépare à la révolution wagnérienne. Créé à Vienne en 1823, Euryanthe se situe entre Der Freischütz (1821), le chef d’œuvredu compositeur,et Oberon créé en anglais à Londres en 1826. Si Freischütz comporte encore des dialogues parlés dans la tradition du singspiel allemand, Euryanthe rompt avec cette esthétique en échafaudant une dramaturgie en chant continu.

Le livret en fut confié à Helmina von Chezy, poétesse célèbre en son temps, un livret qui mérite de figurer au panthéon des livrets alambiqués et insipides, véritable désastre littéraire (mais bon, on en a vu d’autres !). L’histoire s’inspire de multiples sources, divers romans du moyen âge dont Roland furieux de l’Arioste, et surtout Cymbeline de Shakespeare. Elle conte les amours, au XIIe siècle, du valeureux Adolar, chevalier du roi Louis VI, et de l’angélique Euryanthe, sa belle et fidèle bien aimée, alors que le méchant et jaloux Lysiart, bientôt aidé par la perfide Églantine de Puiset, va s’acharner à détruire cette parfaite idylle. Après moult épisodes rocambolesques, la belle Euryanthe sera injustement accusée de parjure, manquant d’être occise par son bêta de chevalier, avant que la vérité ne soit rétablie pour que les tourtereaux retrouvent la félicité.

Heureusement, la partition est de toute beauté.
Elle est constituée d’airs mélodieux et limpides, vibrant de lyrisme pour le couple de héros, et d’airs de facture plus complexe, pleins de fureurs chromatiques quant aux deux félons – Wagner s’en souviendra pour caractériser Ortrud et Telramund, le couple maléfique de Lohengrin. Les chœurs y sont largement sollicités, de même que les instrumentistes à travers de nombreux soli qui accompagnent les récitatifs et airs.

La matinée commence plutôt bien, avec une Ouverture enlevée sous l’impulsion du jeune chef israélien Rani Calderón. De bout en bout il dirige la partition avec une précision et une autorité impressionnante, mais aussi avec l’abandon que nécessitent certains airs, notamment ceux dévolus au rôle-titre.

Euryanthe est interprétée par Melanie Diener qui subjugue d’emblée par la beauté du timbre et la longueur du souffle. L’angélisme et la douceur de l’héroïne sont parfaitement restitués, avec un art du chant impressionnant. Néanmoins, la palme vocale revient au ténor allemand Klaus Florian Vogt dont le timbre lumineux, la vaillance et les parfaites vocalises forcent l’admiration. Dans le rôle de Lysiart, le baryton Tommi Hakala exhibe une voix robuste, mais entachée d’un vibrato déjà important, vue la jeunesse de l’artiste. Par ailleurs, il n’a pas la même facilité que ses confrères dans les vocalises. Lauren Flanigan, soprano dramatique remplaçant le mezzo Petra Lang souffrant, est une Églantine à la voix insolente. Elle se joue des difficultés du rôle et en impose vraiment dans des airs pleins d’invectives et d’emportements. La basse russe Dimitri Ivachenko incarne Louis VI avec une autorité et une noblesse confondantes. Paul Kaufmann et Catherine Alcoverro s’acquittent honorablement de leur partie.

Enfin, une mention toute spéciale au splendide (comme à l’accoutumée) Chœur du Capitole de Toulouse, dans cette œuvre qui le sollicite souvent, notamment dans le troisième acte où le formidable chœur des chasseurs est d’un effet saisissant sur le public.

EA