Chroniques

par irma foletti

Cantates BWV 4, BWV 106 et BWV 131
Correspondances, Sébastien Daucé

Festival d’Ambronay, Abbatiale
- 19 septembre 2025
Sébastien Daucé et ses Correspondances jouent Bach au Festival d'Ambronay
© bertrand pichène

Fondé en 2009 par le claviériste Sébastien Daucé, l’ensemble Correspondances connaît une plus forte notoriété depuis ces derniers mois, à la suite de sa participation au dernier Festival d’Aix-en-Provence. Nous en retrouvons les artistes lors du deuxième week-end du Festival d’Ambronay, qui en compte désormais trois au lieu des quatre des éditions précédentes : les actuelles restrictions budgétaires se confirment. C’est un programme Johann Sebastian Bach (1685-1750) qui est proposé ce soir en l’abbatiale, soit trois cantates de jeunesse composées à Mülhausen en 1707, pendant le court séjour du compositeur, alors en poste en tant qu’organiste.

Les premières mesures de la Cantate Aus der Tiefe rufe ich Herr zu dirBWV 131 enchantent immédiatement par un son magnifique de définition et d’équilibre entre les neuf musiciens, rendu par l’excellente acoustique du lieu. Sollicité de bout en bout, le hautbois de Johanne Maître détaille les mélodies, entre la mélancolie et une virtuosité qui exige un abattage sans faille. Formé d’un nombre limité à trois chanteurs par pupitre, à l’exception des soprani qui en dénombrent quatre, le chœur n’en émet pas moins un chant d’une généreuse texture et d’une stricte précision rythmique, en particulier sur les attaques, aussi bien par partie séparée que dans l’ensemble. Le texte allemand est d’une confortable intelligibilité. Aussi peut-on citer le passage choral Ich harre des Herrn, aux splendides départs en canon, avec, là encore, un très bon travail du hautbois. Les solistes sortent tour à tour du chœur pour venir se placer à l’avant-scène, d’abord Lysandre Châlon, basse solide et suffisamment souple pour les passages d’agilité [lire nos chroniques d’Armide et des Nozze di Figaro]. Un peu plus tard, le ténor Florian Sievers dégage encore plus de séduction dans Meine Seele wartet auf den Herrn, entre mezza voce et cellules plus appuyées, accompagné par un continuo de violoncelle, théorbe et orgue.

L’effectif change légèrement pour la Cantate „Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit“ BWV 106, violon et hautbois étant remplacés par deux flûtes à bec. Après une triste sonatina initiale, le chœur qui suit installe une ambiance plus joyeuse. Les solistes s’avancent à nouveau pour de courtes interventions, les deux déjà cités ainsi que le soprano Caroline Weynants, doté d’une jolie voix aérienne et musicale [lire nos chroniques d’Israel in Egypt, Dixit Dominus, Thésée, Il diluvio universale, Nabucco, Requiem et Combattimento]. Mais la soliste qui marque davantage est Blandine de Sansal, dont le timbre royal et profond d’alto fait merveille dans In deine Hände [lire notre chronique de la Johannes-Passion]. La basse René Ramos Premier prend également rôle de soliste pour un arioso accompagné d’un riche continuo (deux violes de gambe, violoncelle, contrebasse, orgue et théorbe).

Christ lag in Todesbanden“ BWV 4, troisième et dernière cantate au programme, sonne de manière doloriste et se rapproche par moments des Passions de Bach. Le premier chœur, très vif toutefois, s’accélère au final pour terminer sur un Halleluja, parole qui conclut également chaque numéro ultérieur. Le duetto soprano/alto Den Tod niemand zwingen kunnt, superbement accompagné par le gambiste Mathias Ferré, contraste fortement avec le chœur suivant, de plus grande ampleur. En bis sont données la chaconne de la Cantate „Nach dir, Herr, verlanget mich“ BWV 150, également composée en 1707, puis la reprise du choral final de la BWV 4. Comme tout au long du concert, Sébastien Daucé maintient la cohérence et la coordination de l’ensemble des instrumentistes et choristes, par moments solistes donc – des artistes aussi excellents individuellement que l’est Correspondances [lire nos chroniques du 1er septembre 2012, du 18 janvier 2013, du 16 juillet 2018 et du 11 novembre 2023].

IF