Chroniques

par bertrand bolognesi

4ème Concerto de Beethoven et 4ème Symphonie de Mahler
Francesco Piemontesi, piano ; Elsa Benoit, soprano

Robin Ticciati dirige l’Orchestre Philharmonique de Radio France
Auditorium / Maison de la radio et de la musique, Paris
- 26 septembre 2025
Robin Ticciati dirige l’Orchestre Philharmonique de Radio France...
© benjamín ealavoga

Septembre marque la rentrée de nos orchestres, en région comme à Paris, en fosse et sur scène. Pour cette soirée du Philhar se trouve pour la première fois invité à son pupitre le chef britannique Robin Ticciati, souvent entendu à la tête d’autres formations [lire nos chroniques du 19 janvier 2017, du 10 janvier 2020 et du 16 janvier 2025]. Le directeur musical du prestigieux Glyndebourne Festival [lire nos chroniques de Der Rosenkavalier, La damnation de Faust, Rusalka, The Rake’s Progress et Dialogues des carmélites] mène cette fois un programme consacré à Beethoven et à Mahler, avec le précieux concours de deux solistes fort aguerris à ces différents répertoires.

Ainsi retrouvons-nous le pianiste Francesco Piemontesi [lire notre chronique du 20 novembre 2020] dans le Concerto en sol majeur Iop.58 n°4 du Rhénan dont il soigne d’emblée l’interprétation par une exquise ciselure. Via un jeu qui, par moments, paraît presque clavecinistique, ce qui place nettement l’approche dans le classicisme plutôt que dans l’emphase romantique, la légèreté du phrasé, articulée d’un toucher indiciblement élégant, fait merveille. Sans tralala, l’Allegro moderato se révèle infiniment concentré dans un parler vertueux. Ticciati répond à cette exigence par une discrète mise en relief des timbres du petit effectif, faisant habilement usage de l’excellence des bois de l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Soliste extrêmement musicien, Piemontesi livre l’Andante médian avec un moelleux quasiment schubertien, dans une désolation chantante qui cependant ne sacrifie point au beau son : c’est une lecture recueillie qu’il mène là, une méditation subtile livrée avec une confondante simplicité. D’une clarté inouïe, la sonorité dessine le Rondo avec un salutaire soin du détail sans pourtant déroger à la fluidité de l’édifice. Stimulante et inspirée, cette version, toujours au cordeau, qu’on pourrait presque dire chaste, rencontre soudain la glorieuse tonicité de la timbale et, avec elle, l’évident désir du chef d’avancer toujours un peu plus vite vers une fièvre jubilatoire, mais sans forcer le trait. Acclamé, à juste titre, Francesco Piemontesi offre un limpide Impromptu D.899 n°3 de Schubert qui, ne quittant pas la tonalité du concerto, se love avec évidence dans son prolongement.

Il y a dix ans, quelques heures après un terrible événement que personne n’oubliera, Robin Ticciati (photo) jouait ici-même la Symphonie en sol majeur n°4 de Gustav Mahler – sol majeur, décidément ! Il dirigeait alors l’Orchestre national de France, notre autre formation radiosymphonique. Nous étions le 7 janvier 2015 [lire notre chronique]. À Camilla Tilling succède le soprano Elsa Benoit, récemment applaudi dans la version chambriste que Michael Jarrell signait de cet opus [lire notre chronique du 13 septembre 2024]. Avec un enthousiasme endiablé qui ne dérespecte point un contrôle certain, le chef entame le premier épisode (Bedächtig. Nicht eilen. Recht gemächlich) dans une fraîcheur sagace et une ferme souplesse, pleines d’esprit, où le jeu est omniprésent. En soignant méticuleusement la définition des timbres – profitant donc de l’acoustique optimale de l’auditorium –, c’est un mouvement heureux qu’il défend, si rare au compositeur. Dans le suivant (In gemächlicher Bewegung. Ohne Hast), contraste et couleur s’avèrent encore plus inouïs, par-delà des choix de tempi parfois étonnants mais toujours cohérents et efficaces. Et l’introspection de reprendre son empire avec le troisième mouvement (Ruhevoll), somptueusement servi par Nadine Pierre au violoncelle, d’une présence tendrement généreuse, le chant délicat de l’hautboïste Hélène Devilleneuve mais encore l’énergique douceur de Nicolas Tulliez à la harpe. Tant appréciée dans l’univers baroque que dans des partitions moins anciennes [lire nos chroniques de Marta, La favorite, Tannhäuser, Agrippina et Semele], Elsa Benoit s’installe derrière l’orchestre, ce qui invite chef et musiciens à mieux surveiller le rendu général. De fait, on ne perd ni un mot ni un souffle de sa prestation idéale dont ravit le phrasé. Faisons vœu que la saison musicale se poursuive dans cette belle lignée !

BB