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Chroniques
Wolfgang Amadeus Mozart
La finta giardiniera | la fausse jardinière
Si Les Noces de Figaro porte comme double titre La Folle Journée, celui de La finta giardiniera pourrait être, pour reprendre les mots du personnage de Belfiore, La journée inattendue. Créé en 1775 à Munich par un Mozart de dix-neuf ans, le livret de Giuseppe Petrosellini accumule quiproquos et coups de théâtre. Don Anchise, le podestat de Lagonera, est amoureux de la jardinière Sandrina, au grand dam de la servante Serpina qui voudrait l'épouser. Le chœur introductif nous apprend que le podestat doit le jour même marier sa nièce Arminda avec le comte Belfiore. Mais lorsque les deux fiancés paraissent pour leurs noces, ils se trouvent confrontés à leurs anciens amants. Première révélation : Sandrina, la fausse jardinière, est en réalité la marquise Violante, poignardée et laissée pour morte par son amant jaloux, le comte Belfiore, qu'elle aime encore. Deuxième révélation : Arminda fut autrefois l'amante du chevalier Ramindo qui est justement en visite chez le podestat ! Après enlèvement de Sandrina, procès, partie de cache-cache dans les bois et épisodes de folie chez Sandrina et le comte, les malentendus finiront par se résoudre dans un triple mariage : Belfiore et Violante, Ramiro et Arminda, le domestique Nardo et Serpetta. Seul le podestat restera en quête d'une autre Sandrine.
Cet opéra de jeunesse n'est certes pas un chef-d'œuvre dramaturgique. Si tous les ingrédients d'un bon livret sont réunis (nœud, quiproquos, coups de théâtres, dénouement), de nombreux passages, notamment dans le deuxième acte, souffrent d'un manque d'intensité dramatique. Quant à la musique, Mozart n'a pas encore atteint la maturité. Reste que dans cet opera buffa, les retrouvailles des couples face à leur passé laissent place à une certaine profondeur. Dans les airs de Sandrina – notamment sa cavatine de l'Acte I (Geme la torterella) – percent déjà, çà et là, les pointes de mélancolie ou l'inquiétude sourde qui éclateront plus tard dans les œuvres lyriques du compositeur.
Enregistrée au festival de Drottningholm en 1998, cette production se distingue par son souci d'historicité. Dans le château suédois du XVIIIe siècle, les musiciens portent perruques, livrées et catogans. Surtout, ils jouent sur instruments d'époque. Cette petite formation permet de retrouver le timbre sobre d'origine. Telle était la volonté du chef Arnold Östman, qui dirigea le festival de 1980 à 1992. Elle est également renforcée par les décors et costumes très classiques. Hélas, si la petite salle est sans doute adéquate en soi pour établir une proximité entre le public et les musiciens, cet avantage se retourne en inconvénient pour une captation vidéo. Sans même parler de l'image au grain grossier, la lumière paraît, du fait de l'étroitesse des lieux, trop crue et uniforme.
Du fait de ces défauts, cette réalisation ne rend sans doute pas justice au sens du détail voulu par le metteur en scène Göran Järevefelt qui a orchestré jusqu'aux saluts. Bien dirigés, les chanteurs jouent leur rôle avec beaucoup d'allant, en particulier la servante Serpina – Anne Christine Biel –, piquante comme doivent l'être les soubrettes mozartiennes. On regrette pourtant que certains surjouent l'aspect comique. Cela convient certes aux rôles bouffes du podestat – Stuart Kale – ou d'Arminda – Eva Pilat –, mais les gestes exagérés versant parfois dans la caricature empêchent de faire ressortir l'humanité des personnages. Arminda pourrait être touchante ; avec son maquillage outré et son manteau rose ridicule, elle n'est qu'une mégère sans grâce. Les voix sont toutes très honnêtes, à l'exception de Stuart Kale qui a tendance à savonner ses vocalises. Sandrina – Britt Marie Aruhn – est souvent émouvante et le couple Serpina et Nardo – Petteri Salomaa – forme un duo vocal tout à fait charmant. En somme, mis à part la captation un peu vieillie, une Fausse Jardinière sans faux pas.
IS