Chroniques

par françois-xavier ajavon

William Alwyn
Symphonie n°4 – Sinfonietta

1 CD Naxos (2006)
8.557649
William Alwyn | Symphonie n°4 – Sinfonietta

Le sort du compositeur britannique William Alwyn (1905-1985) peut sembler cruel : parfaitement inconnu de ce côté-ci de la Manche au bataillon des british composers que l'on perçoit tous plus ou moins dans l'ombre de Britten, il est connu dans son propre royaume pour des raisons relativement triviales. En effet, pour un musicologue anglais, Alwyn est surtout un pédagogue – il a enseigné la composition pendant trois décennies, et dès l'âge de vingt-et-un ans, à la Royal Academy of Music de Londres – et un grand compositeur de musique de film qui laissa pas moins de deux cents partitions pour le cinéma. Il a été d'ailleurs honoré en tant que Fellow par la British Film Academy ; une carte de visite institutionnelle impressionnante, qu'Alwyn a complétée par plusieurs responsabilités honorifiques : dirigeant plusieurs sociétés d'auteurs (équivalent de la SACEM) et membre du comité de lecture de la BBC. Et au delà des médailles et des jetons de présence ? Au delà de l'image triviale d'un compositeur subventionné ? Évidemment un grand artiste qui a légué au répertoire de la musique classique anglaise pas moins de cinq symphonies, deux opéras majeurs, un conséquent catalogue de musique concertante et chambriste. Musicien manifestement mineur, plutôt conservateur et parfois trop prudent sur l'ampleur formelle de ses créations, Alwyn n'a pas laissé une œuvre impérissable, mais mérite notre attention comme notre curiosité intellectuelle, car son esthétique est le reflet saisissant du siècle passé, dont il fut un témoin brillant et réservé, comme tout bon Sujet de sa Majesté qui se respecte…

La collection 20th Century British de Naxos vient de s'enrichir de plusieurs CD, à prix doux, autour d'œuvres d'Alwyn (notamment ses symphonies et ses concerti), sous la direction de chefs d'orchestre aussi respectables que David Lloyd-Jones ou James Judd, dont cette galette intéressante regroupant des œuvres des années cinquante aux années soixante-dix qui permet de se faire une idée percutante du talent de notre compositeur.

La Symphonie n°4 (1959) vient clore un cycle de quatre œuvres pour orchestre, toutes crées par Sir John Barbirolli. Alwyn fermera définitivement ce cycle, en 1972-1973, avec la composition d'une ultime symphonie Hydriotaphia. Sa Quatrième compte plus de trente minutes, se découpant en trois mouvements classiques, eux-mêmes subdivisés en plusieurs sous-sections indépendantes, aux colorations changeantes et aux tonalités alternativement sombres et triomphales. Malgré son goût évident de la syncope et des climats mobiles, Alwyn a cherché à donner une cohérence profonde à cette page, notamment grâce à l'usage des thèmes musicaux récurrents, ainsi qu'il le dit dans le livret : « Orchestré pour un orchestre classique ordinaire, la 4ème Symphonie est de forme cyclique ; le matériel thématique exposé dans le premier mouvement est sujet à de constantes transformations et utilisé dans les trois autres mouvements ». En effet, plusieurs leitmotiv viennent ponctuer l'œuvre de bout en bout, afin de lui donner force et cohérence. Si on ne peut évidemment pas s'empêcher de songer à Ralph Vaughan-Williams en écoutant cette musique, il est honnête de reconnaître qu'elle se distingue par mille inflexions inédites et modernes.

En 1970, âgé de soixante-cinq ans, William Alwyn termine la composition de la Sinfonietta for string orchestra, commande du Art Council of Great Britain. À cette époque, il est absorbé par la création de son opéra Juan, or the Libertine, et rend hommage à Berg dans sa symphonie pour cordes. Il déclare : « La Sinfonietta est centrée sur une citation de l'Acte I de l'opéra Lulu de Alban Berg, une phrase qui me hante depuis que j'ai commencé à écouter et étudier cette partition ». Mais cet hommage ne se voulait certainement pas dodécaphonique, répondant aux canons esthétiques stricts et rigides du genre. Alwyn a fait de cette brève pièce orchestrale d'une vingtaine de minutes un hymne doux-amer à la modernité, qui est également puissamment rattaché aux codes expressifs de la musique de film. L'Adagio de cette Sinfonietta vaut de nombreux passages de la partition de Bernard Hermann pour Psychose.

L'enregistrement, réalisé en normes digitales au Philharmonic Hall de Liverpool en 2004-2005, est sans reproche. Le travail de David Lloyd-Jones à la tête du Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, formation régionale, mais néanmoins époustouflante, donne à ces œuvres une dimension historique incontestable ; il parvient à faire du catalogue d'Alwyn une mine d'or et nous enjoint à en découvrir chacune des pépites.

FXA