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Chroniques
Wiener Staatsopernorchester
gala d'anniversaire à Vienne (2005)
Le mois de novembre 2005 voyait les célébrations du cinquantenaire de la réouverture du Staatsoper de Vienne, suite à sa destruction lors des bombardements de la Seconde Guerre Mondiale. L'Autrichien étant fortement porté sur la nostalgie et la mélancolie, cet anniversaire se caractérisait par la réédition, à l'identique, du gala de cette réouverture, avec la fine fleur locale et internationale qui fait les actuels beaux soirs de l'Opéra viennois.
Prise dans son ensemble, cette soirée est d'un très haut niveau vocal. Il faut dire que la pléiade d'étoiles réunie compte parmi les meilleurs titulaires des rôles chantés. Après une ouverture de Leonore III de Beethoven bien servie par un Seiji Ozawa des grands jours à la tête de l'Orchestre du Staatsoper, Zubin Mehta, l'une des idoles du public viennois, se lançait dans des extraits de Don Giovanni avec Thomas Hampson en rôle-titre et Ferrucio Furlanetto en Leporello ; ces deux chanteurs rivalisent d'aisance pour vivre leurs personnages. Icône viennoise, Edita Gruberova n'a plus la fraîcheur de timbre pour chanter Donna Elvira mais cette grande artiste sait conduire son chant. Michael Schade, Soile Isokoski, Ildikó Raimondi et Boaz Daniel sont des comparses de bon niveau à défaut de s'affirmer transcendants. Le premier DVD de ce gala s'achève par le final du Rosenkavalier, conduit avec subtilité et précision par Christian Thielemann et chanté avec une classe un peu trop distancée et froide par Angelika Kirschlaschlager (Octavian), Soile Isokoski (Marschallin) et Genia Kühmeier (Sophie).
Entre deux œuvres allemandes, le concert s'offre un détour par les rives du Nil avec l'Acte III d'Aida, mené avec une énergie débordante par Daniele Gatti. L'imposant format vocal de Violetta Urmana ne fait qu'une bouchée de l'héroïne, mais on aimerait un peu plus de sensualité dans ce chant trop désincarné. Moins à l'aise qu'en Leporello, Ferrucio Furlaneto peine un peu en Ramfis alors que Johan Botha (Radames) fait ce qu'il peut avec ses imposants moyens dénués de tout charisme. L'exploration d'Aida se poursuit avec un extrait de l'Acte IV chanté avec une incroyable noblesse par Agnes Baltsa sur laquelle le poids des ans ne semble pas peser. Chéri absolu du public de l'Opéra de Vienne, Plácido Domingo s'était déplacé pour chanter impeccablement quelques notes de Radames, rôle qu'il a abandonné depuis de nombreuses années à la scène.
Introduit par un massif Prélude des Meistersinger von Nürnberg, Bryn Terfel fait un malheur dans Was duftet doch der Flieder avant que le Wiener Staatsopernchor ne démontre son homogénéité dans Wach auf, es nahet gen den Tag. On descend quelques marches avec des extraits et le finale de Die Frau ohne Schatten de Strauss. Les chanteurs réunis : l'engorgé Falk Struckmann, l'impersonnelle Deborah Polaski et le neutre Johan Botha sont bien à l'image d'une certaine disette de grandes pointures charismatiques pour porter cette œuvre énigmatique. Bouquet de ce gala, le final de Fidelio est emporté par un Seiji Ozawa déchaîné. Différents chanteurs de la soirée s'illustrent vaillamment, transcendés par la portée de l'événement.
Cependant, il faut regretter une réalisation filmographique passablement pesante. Figure incontournable des retransmissions internationales de musique classique, le réalisateur Brian Large est ici à son plus médiocre niveau. Tout apparaît figé dans sa manière de filmer. Certes, un Gala de chant n'est pas l'événement le plus gesticulant qui soit, mais était-ce une raison pour imposer au spectateur d'interminables plans fixes sur des chanteurs transformés en statues ? Que dire aussi des rares passages sur le public d'où n'émergent qu'une forêt de cheveux blancs engoncés dans des tenues de soirées amidonnées ? Tout cela contribue à donner une image surannée, poussiéreuse et passéiste de la musique classique.
PJT