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Vous ne pouvez pas commencer sans moi
un portrait de Valery Gergiev
Au regard d'une carrière débutée voilà plus de trente-cinq ans, Valery Gergiev semble incarner l'attachement profond à son pays autant que le nomadisme. D'origine ossète, le Maestro naît à Moscou en 1953, grandit dans la région montagneuse du Caucase, étudie ensuite à Saint-Pétersbourg auprès d'Ilya Musin. L'ancienne capitale abrite le Théâtre Mariinski où il devient chef d'orchestre stagiaire au côté de Youri Temirkanov (1977), puis chef principal (1988), avant d'en prendre la direction artistique (1994). Depuis lors, formations et institutions étrangères l'invitent à leur tête : l'Orchestre Philharmonique de Rotterdam (1995), le Metropolitan Opera (1998) ou encore le London Symphony Orchestra (2007). Aux dernières nouvelles, le chef passait plus de la moitié de l'année hors de son pays pour faire vivre son théâtre – auquel est également consacré l'argent des fondations White Nights, à travers le monde.
Daté de 2008 et dirigé par Allan Miller, ce reportage d'une heure et demie commence plutôt mal. Les images se bousculent sans l'ombre d'un scénario ou d'une orientation éventuelle. Dès lors, chaque détail horripile et l’on se demande pourquoi encombrer ce portrait d'artiste (en tout cas, c'est ce que l'on attend...) d'archives de réunion administratives, de témoignages de musiciens ou de scènes familiales. Le désastre est évité quand les répétitions du Sacre du printemps deviennent récurrentes (ouf ! ce ne sont pas celles du Concerto pour piano en la majeur de Liszt, que Gergiev massacre) et qu'un rythme plus tranquille se met en place, permettant enfin d'entendre un orchestre corrigeant ses erreurs.
Boulimique de travail, celui qui fit ses débuts en dirigeant Guerre et Paix à vingt-quatre ans n'en reste pas moins un gourmet. Répétant Stravinsky, Rachmaninov et Prokofiev, Gergiev attire l'attention des musiciens sur des notions essentielles : détail et précision, brillance et couleur, puissance et légèreté. Pour lui, la prise de risque est importante, car il y a un fossé entre le bien et le beau. Si le travail du chef est primordial – « Vous ne pouvez pas commencer sans moi » –, il se résume néanmoins facilement : « On arrive, on écoute, puis on réagit ». C'est pour ces moments d'échange avec différents orchestres que cet enregistrement a le mérite d'exister.
LB