Chroniques

par samuel moreau

Umberto Giordano
Fedora

1 DVD TDK (2006)
DVWW-OPFED
une production de 1993

Avec Fedora, difficile d'imaginer plus pur vérisme mélodramatique. L'action débute à Saint-Pétersbourg, durant l'hiver 1880-81. On ramène à son domicile le comte Vladimir Andreïevitch, gravement blessé par balle. De fil en aiguille, l'enquête menée auprès des domestiques conduit à faire surgir le nom d'un suspect : le comte Loris Ipanov, venu en visite quelques jours plus tôt et qui s'est enfui bizarrement. On se met aussitôt à sa recherche, tandis que le médecin constate la mort de Vladimir. La princesse Fedora Romanov, une riche veuve qui devait l'épouser, s'effondre au chevet de son bien-aimé. À l'Acte II, dans la résidence parisienne de la princesse, Ipanov en exil finit par avouer son amour à Fedora, de même que – tout en étant innocent du meurtre – sa responsabilité dans la mort de Vladimir. Elle le défit de lui en fournir la preuve et, en attendant son retour, fait partir une lettre incriminant Loris et son jeune frère Valerian. À la nuit tombée, le comte revient avec des lettres enflammées adressées par Vladimir à Wanda, sa propre épouse. C'est prit en flagrant délit d'adultère que l'amant a tiré sur le mari et que ce dernier a riposté, mortellement. Stupéfiée par l'annonce de cette trahison amoureuse, Fedora s'abandonne à celui qu'elle maudissait encore une heure plus tôt. À l'Acte III, alors que le couple vit d'heureux moments dans l'Oberland bernois, une lettre vient apprendre à la princesse que, suite à ses dénonciations, Valerian fut arrêté, qu’il périt lentement noyé dans sa cellule lors d'une crue de la Neva et que sa mère en mourut de chagrin. Mis au courant de son côté, Loris cherche à savoir qui est l'intrigante qui lui a voulu tant de mal. Se sentant acculée, Fedora s'empoisonne et réclame le pardon.

Créé au Teatro Lirico de Milan le 17 novembre 1898 deux ans après Andrea Chénier, cet opéra d'Umberto Giordano ne jouit pas de la meilleure réputation. On lui reproche parfois son velours musicalement un peu élimé, un éclat factice qui cherche à renouer avec les jours glorieux du genre. Pourtant, l'ouvrage est indéniablement plus cohérent et efficace que son prédécesseur, et son joli prélude – donné par Gianandrea Gavazzeni à la tête de l'Orchestra del Teatro alla Scala – nous met dans de bonnes dispositions à son égard. De même, la mise en scène de Lamberto Puggelli, qui se sert des costumes et du décor pour créer des ambiances d'époque plus que des tableaux historiques, échappe au kitsch.

Sur les planches des scènes internationales depuis 1955, le soprano Mirella Freni ne démérite pas, près de quarante ans plus tard. Si certaines de ses expressions paraissent outrées, son chant est au contraire d'un moelleux savoureux. En revanche, peu de nuances chez son partenaire Plácido Domingo, en force, comme trop souvent. On lui préfère des rôles secondaires, voire tertiaires, comme l'Olga dotée de corps et de souplesse d'Adelina Scarabelli, un De Siriex vaillant incarné par Alessandro Corbelli, le ragazzo de Silvia Mazzoni ou encore le cocher de Luigi Roni. Finement filmée, cette production de 1993 conserve aujourd'hui encore tout son attrait.

SM