Chroniques

par laurent bergnach

Tempête sous un crâne
un portrait de Georges Aperghis

1 DVD Idéale Audience International (2006)
Juxtapositions 9
un portrait du compositeur Georges Aperghis, né à Athènes en 1945

Qu'on ne s'attende pas ici à une biographie de Georges Aperghis, laquelle retracerait en détail le parcours du compositeur : naissance à Athènes en 1945, environnement familial d'une grande liberté, passion pour la peinture dont il finit par abandonner la pratique, découverte de l'avant-garde européenne (Schaeffer, Henry, etc.), installation à Paris pour y poursuivre ses études musicales (1963), rencontre du Domaine Musical et de Xenakis, première œuvre de théâtre musical (1971) qui annonce les années fructueuses de l'Atelier Théâtre et Musique dont il est à l'origine (de 1976 à 1997), retour à la musique de chambre ou orchestrale laissée en friche, toujours avec le goût de l'expérience et de la provocation...

Non, rien de tout cela n'est évoqué par le créateur qui livre des réflexions sur son travail au temps présent, interrompu par des extraits d'œuvres dont on ne connaîtra les noms qu'à l'instant du générique de fin – Profils (2001), Jactations (2002), Alter-Face (2004), Récitations (1982), Zig-Bang (2004), Le corps à corps (1979) et le tout récent Avis de tempête [lire notre chronique du 17 novembre 2004]. À l'instar d'Aperghis faisant le constat d'un monde sans harmonie ni pensée cohérente, c'est au cœur d'un labyrinthe que nous emmène calmement le film de Catherine Maximoff, sous le crâne de ce jongleur du chaos, ce funambule qui – comme le disait le psychanalyste et philosophe Félix Guattari –, a acquis la liberté de risquer la chute, sachant qu'il ne tombe pas dans le vide mais sur d'autres fils, « auquel cas il peut sauter, d'autant plus ! »

Un peu prestidigitateur, aussi, cet Aperghis qui s'amuse à mettre un interprète devant une énigme, tandis que le baryton Lionel Peintre voit la partition comme « un animal assez méchant », et que le soprano Donatienne Michel-Dansac, perplexe, se demande : « quand va-t-on y arriver ? » Et conteur, enfin, puisque le programme s'achève avec l'intégralité du Petit Chaperon Rouge, commande de la Philharmonie de Cologne qui parcourt l'Europe depuis sa création, en avril 2002. Les six comédiens-musiciens de l'Ensemble Reflex excellent dans cette composition alerte et funèbre où, comme dans un jeu d'enfants, les rôles sont interchangeables et la réalité pas loin du rêve.

LB