Chroniques

par bertrand bolognesi

Sophie Roughol
Antonio Vivaldi

Actes Sud / Classica (2005) 140 pages
ISBN 978-2-7427-5652-0
Biographie d'Antonio Vivaldi, par Sophie Roughol

Cela arrive : vous ouvrez un livre, et ce que vous lisez vous convainc vite que vous n'irez pas jusqu'à la dernière page. C'est exactement l'effet que procure l'Avant-propos de cet Antonio Vivaldi. Mais, surtout, ne vous en tenez pas à ces deux premières pages, et poursuivez au delà d'un Prélude qui fait tristement état de la détestation du musicien par ses contemporains – on comprendra que certains auteurs aimant à réveiller les polémiques bouléziennes vieilles de quarante ans, il soit d'autant plus chic d'aller ici en réanimer d'autres qu'un lustre de quelques deux siècles et demi magnifie sans aucun doute !

Mais la première impression n'est pas toujours la meilleure, car après un démarrage assez malvenu, dans un style à l'avenant, quelques réflexions personnelles passéistes, des contresens de traduction et un appareillage de notes absurde – cruellement succinct lorsqu'il s'agit de musiciens (exemple : « Charles Avison : compositeur anglais », merci Madame !), largement développé quand il présente des personnalités mondaines ou politiques (exemple : près de trois cent signes pour Charles de Brosse) –, Sophie Roughol parvient à nous emmener, de Venise, 4 mars 1678 à Vienne, 28 juillet 1741, à travers la vie du Prete rosso, dans le flux d'un récit brillamment synthétique.

La contrainte était grande : l'auteure s'en joue remarquablement, s'ingéniant, en un format si restreint (140 pages à peine), à dresser un portrait précis de Vivaldi, clairement replacé dans le contexte vénitien de son temps, mais également celui des cités italiennes et européennes où il présente ses œuvres, exposant les aléas de la carrière, de l'édition, du travail d'impresario, de celui de maître de chapelle, etc. Car le chemin dans lequel s'engage le jeune Antonio – il a 11 ans – en rejoignant les violons du Théâtre San Giovanni Grisostomo, en 1689, le mènerait bien vite au faîte d'une célébrité autant adulée que décriée, provoquant fascination et jalousie. À quinze ans, il reçoit la tonsure, et sera ordonné prêtre dix ans plus tard. Lorsqu'il cesse de dire la messe après trois ans d'exercice, pour cause d'une strettezza di petto qui pourrait aussi bien avoir été une angoisse chronique comme une forme d'asthme, Vivaldi est déjà maître de violon à l'Ospedale della Pietà. Dès 1705 paraissent ses premières Sonates de chambre, bientôt suivies par la publication d'un recueil de douze concerti, L'Estro armonico. Devenu impresario du Théâtre Sant'Angelo en 1713, le musicien intègre toujours plus profondément l'opéra, créant très vite son premier ouvrage, Ottone in Villa, à Vicence. L'année suivante, il monte son Orlando finto pazzo à Venise, tout en livrant des oratorios aux pensionnaires de la Pietà, comme la célèbre Juditha triumphans de 1716.

Et là, nous nous tairons, vous invitant à suivre ses pérégrinations en compagnie de Sophie Roughol – qui va bien au delà de soixante-trois ans d'existence terrestre, puisqu'elle raconte l'oubli puis la redécouverte de son œuvre, depuis 1905 jusqu'au renouveau qu'elle rencontre ces dernières années – et à goûter les tant pertinents que brefs exposés grâce auxquels elle nous plonge dans l'atelier du compositeur…

BB