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Chroniques
Sergeï Prokofiev
Война и мир | La Guerre et la Paix
La captation de la production du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg est parue quelque temps après celle de l'opéra Bastille [lire notre critique du DVD] ; elle est cependant plus ancienne de dix ans – l'enregistrement discographique en était d'ailleurs disponible chez Philips.
Pour sa mise en scène, Graham Clark a choisi de situer l'action dans un décor mobile constitué de trois grands panneaux que l'on déplace selon les exigences de chaque tableau, l'un d'eux s'ornant du dessin d'un imposant arbre gris. Ainsi, l'ambiance un peu monotone et mystérieuse de la paix repose essentiellement sur l'utilisation de la lumière. Dans un même souci de sobriété, les rideaux, rehaussés de lueurs blanc et bleu, qui flottent aux fenêtres suffisent-ils à évoquer élégamment la salle de bal à laquelle ils confèrent un aspect fantastique bienvenu. À la relative austérité de ce dispositif répond l'opulence des costumes, notamment ceux des personnages féminins. Le chaos de la Guerre est décrit par de grandes pentes, et l'incendie de Moscou est superbement reconstitué grâce aux lueurs rouges et vives et à la fumée abondante envahissant la scène.
En ce qui concerne les principaux personnages, Helena Protchina s'investit dans le rôle de l'adolescente Natacha. Alexander Gergalov est bien le prince Bolkonski, un peu distant au premier acte, plus passionné au second et très touchant lors de la mort. L'idéaliste Comte Piotr Bezukhov est interprété par Gegam Gregoriam, émouvant et rassurant. La grande Olga Borodina est Bezukhova, la comtesse volage, insidieuse et discrète ; son frère, le séduisant prince Anatol Kuragine, est avantagé par les manières galantes de Yuri Marusine. Vassili Gerrelo est très à l'aise dans le rôle de Napoléon qu'il interpréta également à l'Opéra Bastille. Irina Bogatchova joue l'autoritaire et protectrice Akhrosimova, marraine de Natacha, avec beaucoup d'unité, tandis que Nikolaï Othotnikov campe avec brio le glorieux maréchal Kutuzov.
Représentant le peuple russe, le chœur de l'ancien Kirov est superbement préparé et dirigé par Valéry Borisov. Signalons les petits rôles remarquablement interprétés : le père Bolkonski, peu aimable et même grognon de Vladimir Ognovenko, la jeune Sonia, les paysans russes, les soldats français, Platon Karataïev, le compagnon d'infortune de Pierre Bezukhov, etc. Enfin, Valery Gergiev donne toute sa mesure à la vaste fresque de Prokofiev, avec l'art qu'on lui connaît.
SC