Chroniques

par anne bluet

Samuel Barber
Vanessa

2 SACD Chandos (2004)
CHSA 5032(2)
Samuel Barber | Vanessa

Accentuer dès le prélude du premier acte les contrastes, tensions et dynamiques d'un ouvrage dont le sujet pourrait bien emprunter à l'univers de Strindberg l'oppressant climat, plonge l'auditeur immédiatement dans le drame. Leonard Slatkin ne dérogera pas une seule fois d'un suivi exemplaire de la dramaturgie de Vanessa, dessinant tout aussi pertinemment l'inerte déambulation mentale de la baronne, l'excitation habitée de panique de Vanessa à l'arrivée d'Anatol, et la délicieuse chanson du docteur, largement inspirée, d'ailleurs, d'une Danse ukrainienne de Mischa Levitzki. Chaque intention est ici soigneusement soulignée par l'orchestre, ce qui convient idéalement à l'écriture relativement simple de Samuel Barber, faisant fi de sous-entendus et illustrant toujours très directement la situation et les sentiments des personnages. Le BBC Symphony Orchestra s'avère un excellent instrument qui offre des couleurs généreuses à cette musique toujours chatoyante.

Lorsque à cette franchise d'approche est associé un plateau vocal de très haut niveau, la réussite est évidente. Ici, on remarquera avant tout un format commun, si l'on peut dire, qui flatte particulièrement le confort de l'auditeur. Outre d'offrir des échanges toujours équilibrés, cet avantage est d'autant sensible dans les ensembles, prenant ici une portée parfois straussienne. Neal Davies est un docteur un rien nasillard, toutefois, pas toujours très stable, et affirmant souvent de façon caricaturale son emploi de contrepoint souriant à la lourdeur de l'atmosphère générale. Catherine Wyn-Rogers est une baronne inflexible, servie par une voix d'une fiabilité exemplaire. Amené plus timidement, l'Anatol de William Burden révèlera vraiment ses qualités dans son air du second acte, Love has a bitter core, dont l'accompagnement de flûte, clarinette, harpe et cordes sonne tellement américain, puis dans le duo qui s'enchaîne, somptueusement interprété, et bien sûr dans On the path to the lake à l'Acte III, où il use d'effets de voix mixte d'une douceur exquise qui font pardonner un grave par ailleurs éthéré.

Enfin, le duo de tête est simplement excellent, les artistes menant admirablement leur chant : Susan Graham incarne une Erika plus qu'attachante, ne libérant toute la richesse du timbre qu'avec l'amour rencontrée, à la fin de l’Acte I, nous tenant ensuite en haleine jusqu'à l'accomplissement désolant de son destin ; la Vanessa de Christine Brewer est d'une grande expressivité, servie par une facilité d'émission et une couleur des plus émouvantes. Remarquons, pour conclure, que cet opéra ne suscite à ce jour que de bonnes versions !

AB